Interdiction de la Pride de Budapest : « Ce qui se passe en Hongrie est un signal d’alarme pour toute l’Europe »
Depuis plusieurs années, la Hongrie de Viktor Orbán durcit son discours et durcit ses lois à l’encontre des personnes LGBT +. Dernier exemple en date : l’interdiction de la Marche des fiertés annoncée ce mardi, une décision qui a suscité de vives réactions, tant du côté des associations que de l’Union européenne.
Les députés européens ont fermement condamné cette interdiction, dénonçant « une violation indéniable des droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE ». Au-delà de cette mesure, c’est une tendance plus large qui se dessine : la montée des discours conservateurs et autoritaires en Europe.
Sur quelle base juridique Viktor Orbán et son gouvernement s’appuient-ils pour interdire la Pride ?
Le gouvernement justifie cette interdiction en s’appuyant sur la législation de 2021 sur la « protection de l’enfance », qui restreint la représentation des minorités sexuelles dans l’espace public. Cette loi interdit par exemple la diffusion de livres ou de films traitant de l’homosexualité aux mineurs. Il est important de rappeler que depuis 2010, le gouvernement dispose d’une majorité de deux tiers au parlement, ce qui permet de changer la constitution et les lois selon leurs besoins.
On assiste à une instrumentalisation du droit pour imposer une vision ultra-conservatrice à la société, polariser l’opinion publique. Pourtant, ce texte, en contradiction directe avec les principes européens de liberté d’expression et de réunion, est vivement contesté par une grande partie de la population et par les associations de défense des droits humains. Au-delà d’une attaque contre les personnes LGBTQ +, c’est une remise en cause des libertés fondamentales elles-mêmes.
Cette loi s’inscrit-elle avant tout dans une stratégie électoraliste ou vise-t-elle à détourner l’attention d’autres problèmes nationaux ?
Il s’agit avant tout d’une stratégie politique qui permet au gouvernement de masquer d’autres difficultés. Depuis des années, et en particulier dès la crise du Covid-19, la Hongrie est en récession, ce qui accentue le manque d’investissements dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé publique ou les infrastructures.
En jouant sur des thématiques identitaires et en désignant un ennemi intérieur, Orbán cherche à mobiliser sa base électorale et à détourner l’attention des problèmes réels. L’adoption de cette loi s’inscrit dans la continuité de sa politique.
La Hongrie est souvent décrite comme une société conservatrice. Cette interdiction de la Pride répond-elle à une demande sociale ?
Le gouvernement présente cette mesure comme une réponse à une demande sociale, mais en réalité, les sondages montrent que la majorité des Hongrois ne soutiennent pas ce genre de mesures anti-LGBT +. La rhétorique du gouvernement s’adresse à une frange de la population, mais elle ne représente pas nécessairement le sentiment majoritaire. Depuis des années, l’État mène une vaste campagne de propagande dans les médias publics, qui sont entièrement contrôlés par le gouvernement, sur les réseaux sociaux et dans l’espace public, notamment en associant l’homosexualité à la pédophilie.
Ce climat hostile contraste avec l’hypocrisie du régime : l’année précédente, la Présidente hongroise Katalin Novak, une proche alliée d’Orbán, a dû démissionner après avoir gracié le complice d’un pédophile condamné. Le gouvernement fait très peu pour la protection de l’enfance, ce qui explique pourquoi sa politique démographique est un échec.
La Hongrie risque-t-elle un isolement croissant au sein de l’UE à cause de cette politique ?
La réaction de l’Union Européenne est un signe positif, mais cela ne change pas fondamentalement la posture du régime. Certaines sanctions existent, mais elles ne suffisent pas à infléchir la politique d’Orbán, dont le modèle économique s’appuie en grande partie sur ses liens avec l’Allemagne.
On voit que cette dynamique peut toucher d’autres pays en Europe : l’extrême droite progresse en Italie, en France, et ailleurs. Ce qui se passe en Hongrie est un signal d’alarme pour toute l’Europe, car il s’agit d’une remise en cause des droits fondamentaux.
Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !
C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. Et c’est ce que nous faisons chaque jour dans l’Humanité.
Face aux attaques incessantes des racistes et des porteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, faisons entendre une autre voix dans ce débat public toujours plus nauséabond.
Je veux en savoir plus.