Motion de censure du PS : "La seule façon pour que cette censure passe est que le Rassemblement national la vote", commente le député RN Jean-Philippe Tanguy
Le Parti socialiste a déposé une motion de censure le 26 juin contre le gouvernement de François Bayrou à l’issue de l’échec des discussions au cours du "conclave" portant sur la réforme des retraites. Le journaliste Jean-Baptiste Marteau interroge, dans l’interview des "4 Vérités" du lundi 30 juin, le député Rassemblement national (RN) de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, non seulement en ce qui concerne ladite censure mais également sur la question du budget et de l’avenir de François Bayrou en tant que chef du gouvernement.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Jean-Baptiste Marteau : Faut-il censurer le gouvernement de François Bayrou ? C'est évidemment la question qui va être de nouveau posée aux députés, dont vous faites partie, demain dans l'hémicycle. Cette fois-ci, la motion de censure est déposée par le Parti socialiste, ce qui change tout. Le Premier ministre a déclaré hier que cette motion de censure était "une blague". Diriez-vous la même chose ?
Jean-Philippe Tanguy : Je ne sais pas si c'est une blague, parce qu'il faut prendre les choses au sérieux. C'est surtout un manque de respect pour les Français, parce que les socialistes essaient de se racheter une conscience de gauche en faisant croire que cette motion de censure changerait leur vie. Ça ne changera rien, et je le regrette. S'il suffisait de voter la motion de censure pour remettre la retraite à 62 ans, je voterais avec les deux mains et mon groupe aussi. Ils essaient de régler leur compte, de faire oublier qu'ils ont allongé la durée de cotisation, d'ailleurs avec François Hollande, quand celui-ci était au gouvernement.
Ils ont essayé de soutenir un peu François Bayrou, en tout cas ne pas le censurer pendant ses premiers mois, et ils disent avoir été déçus.
Mais je ne sais pas de quoi ils ont été déçus, parce que le conclave s’est passé exactement comme prévu. Si un jour on peut arriver à des améliorations pour les carrières des femmes et pour les métiers pénibles, je m’en satisferai dans un premier temps. La vérité est que les socialistes veulent cacher que la seule solution pour baisser l'âge de départ à la retraite, c'était d'élire Jordan Bardella comme Premier ministre, tandis que Marine Le Pen le fera en 2027.
Mais vous êtes sévère à l'encontre de François Bayrou et pourtant vous ne voulez pas, au RN, voter la censure contre son gouvernement. Est-ce que ce n'est pas contradictoire ?
Non, parce que cela ne sert à rien. Imaginons que nous votions la censure et que monsieur Bayrou parte. Que se passerait-il ? Rien, pour les Français. Est-ce que vous croyez qu'un nouveau Premier ministre comme monsieur Lecornu ou d'autres macronistes ou LR macronisés vont changer l'âge de départ à la retraite ? Il n'y aura peut-être même pas les petits gains pour les femmes.
C'est pour cela d'ailleurs que certains s’estiment au RN plutôt "satisfaits" de François Bayrou. Parce que vous dites qu'il vaut mieux un François Bayrou qui va éventuellement faire la proportionnelle plutôt que Sébastien Lecornu qui pourrait arriver après ?
Non, mais il ne vaut mieux pas mentir aux Français. Nous ne leur mentons pas. Nous avons l’habitude que les socialistes mentent, mais nous voulons des gains, par exemple sur la politique énergétique. C'est grâce à Marine Le Pen que les Français ne vont pas voir leur facture encore doubler avant 2030, parce qu'on a obtenu de François Bayrou qu'il ne fasse pas un décret qui allait aggraver la situation. Aujourd'hui, il y a une taxe sur le carburant qui est en jeu et menace la France, à hauteur de 23 centimes de taxes par litre.
Et donc c'est là-dessus que vous voulez négocier, au moment du budget ? C’est à ce moment-là que vous pourriez éventuellement censurer le gouvernement ?
C'est la clé. Nous avions censuré Michel Barnier l’année dernière parce qu'il voulait piquer 6 milliards d'euros aux retraités avec la non-indexation. S’il y a des économies à faire, ce n'est pas en volant l'argent des retraités ou en mettant 4 milliards d'impôts sur l'électricité comme voulait le faire M. Barnier. C'est pour ça qu'on avait censuré à l'époque et les Français, notamment les retraités, ont pu voir que leur pension a été indexée.
Justement, cette année, au moment du budget, c'est là que tout va se passer. Quelle est votre ligne rouge ? Quel est le thème ou la mesure sur laquelle vous dites au gouvernement Bayrou "si nous n’avons pas ça, nous allons vous censurer" ?
Il ne faut pas d'impôts sur les classes moyennes et les classes populaires. Il faut faire de vraies économies, en particulier sur l'immigration, sur la bureaucratie, sur l'Union européenne. Moi, je viens de rendre un rapport.
Donc pas de nouveaux impôts sur les classes moyennes ?
Aucun nouvel impôt et il faut faire des économies. Je viens de rendre le rapport sur le financement de l'Union européenne. L'année prochaine, monsieur Bayrou va augmenter de 7 milliards d'euros, et que je pense que nous n’avons pas une telle somme à rajouter au budget de l'Union européenne.
Est-ce que cela veut dire que le RN a l'avenir de François Bayrou entre ses mains ?
Malheureusement, aujourd'hui, ce sont François Bayrou, Emmanuel Macron et les Républicains avec Bruno Retailleau qui nous font perdre un temps précieux pour la France, ne font pas de grandes réformes nécessaires et surtout, ne tiennent pas leurs promesses. Encore la semaine dernière sur Mayotte, avec le contrôle sur l'immigration, heureusement qu'il y avait le Rassemblement National pour éviter toutes les pitreries de la gauche. Le bloc central, que ce soit les macronistes ou les Républicains, n'était pas là. Ils ne sont jamais là. Les Français ont cru faire confiance à des députés macronistes ou amis de M. Retailleau, qui ne siègent jamais à l’Assemblée. En moyenne, on a cinq députés macronistes et deux députés Les Républicains, ce que je trouve lamentable. Les Françaises et les Français, eux, quand ils travaillent, ils ne viennent pas quand ça leur chante.
À propos du PS, François Hollande disait hier dans le Parisien qu'il votera cette motion de censure parce que le RN ne s'y associera pas. Que pensez-vous de cette posture ?
C'est un aveu de François Hollande que les socialistes font cela pour le cinéma, pour faire croire qu'ils sont de gauche puisque la seule façon pour que cette censure passe est que le RN la vote.
Il la vote parce qu'il sait qu'elle ne passera pas ?
C'est du cinéma, ce n'est pas très digne d'un ancien président de la République et on comprend pourquoi M. Hollande était tellement décrédibilisé qu'il n'a pas pu se représenter.
Concernant la réforme des retraites, la décision revient désormais au gouvernement après l'échec du dialogue social, d’après ce qu'a dit François Bayrou hier sur RTL. Est-ce que vous comprenez ce choix par défaut du gouvernement ? Il reprend la main parce que les syndicats n'ont pas réussi à se mettre d'accord.
Personnellement, je juge sur pièce. Est-ce que M. Bayrou est capable de proposer, suite aux discussions syndicales qui ont quand même parfois été intéressantes, de vraies avancées pour les carrières des femmes, en particulier les mères de famille, dont les trimestres ne sont pas reconnus suffisamment par rapport à ce qu'elles ont fait ? Quand je retourne dans ma circonscription, beaucoup de mères de famille viennent me voir en permanence parce qu'elles n'ont pas les trimestres qui correspondent à leur travail et elles ont des petites pensions avec lesquelles elles doivent travailler trop longtemps.
Si on peut améliorer la situation des mères de famille et des Françaises, c'est quand même plus de la moitié de la population, ce sera très bien. Je ne suis pas pour la politique du pire et Marine Le Pen ne l’a jamais été non plus. Si nous pouvons ramener des gains sociaux, des améliorations aux Français et aux Françaises, nous le faisons. La vie est suffisamment dure pour ne pas négliger des petites améliorations même si elles sont moins bien que la grande réforme des retraites que proposera Marine Le Pen.
François Bayrou parlait de la proportionnelle hier. C'est quelque chose qui vous tient à cœur au Rassemblement national. Il a dit qu'il la mettrait en discussion à l'Assemblée probablement à la fin de l'année ou plutôt au début de l'année 2026, en tout cas après le budget. Est-ce que c'est déjà mieux que rien ?
Nous verrons, mais la ficelle est un peu grosse, voilà. Visiblement, monsieur Bayrou voulait faire ça avant le budget, alors qu'il sait que cela va être très difficile pour lui de ne pas être censuré vu les décisions qu'il a annoncées. Il veut faire payer tous les Français, alors qu'ils font beaucoup d'efforts depuis des années et que ce n'est pas là où il faut aller chercher des économies, c'est du côté de la bureaucratie et des gaspillages. Il doit se dire que s'il fait la proportionnelle après le budget, il risque moins d'être censuré. C'est une grosse manœuvre, alors que nous pouvons faire la proportionnelle d'un claquement de doigts. Ce n'est d’ailleurs pas la priorité des Françaises et des Français qui comptent leurs sous. À l’heure actuelle, ils veulent partir en vacances, ensuite il y aura la rentrée scolaire. La situation de l'hôpital public et de l'accès à la médecine sont les vraies priorités des Français.
Les programmes de France Télévisions comme ceux de Radio France sont aujourd'hui perturbés en raison de ce mouvement de grève lié à la réforme de l'audiovisuel qui arrive tout à l'heure dans l'hémicycle. Elle pourrait être votée si le RN ne s'y oppose pas. Il semble en fait que votre groupe soit encore un peu pivot sur cette loi et se montre plutôt enclin à voter cette réforme de Rachida Dati. Est-ce le cas ?
Vous savez, le diable est dans les détails dans ce genre de projet. Est-ce que oui ou non cela va aboutir à des économies, à une amélioration de la gestion, à la qualité du service public ou pas ? Ce n'est pas très clair aujourd'hui. Il est vrai que nous n’avons pas de positionnement idéologique, nous essayons de voir vraiment ce qui est proposé pour améliorer la rentabilité du groupe, parce que cela coûte 4 milliards d’euros par an. Ce n’est certes plus payé par une redevance mais par la TVA, que tous les Français paient. Nous voulons donc savoir si nos concitoyens en ont pour leur argent.
Le député RN de l’Oise, Philippe Ballard, disait hier dans le JDD qu'il y avait des échanges constructifs avec Rachida Dati. Vous négociez avec la ministre en ce moment sur certains points pour voter cette réforme ?
Nous négocions avec tous les ministres, même si certains le reconnaissent et d’autres pas. Nous sommes le premier groupe de l'Assemblée nationale et Marine Le Pen et Jordan Bardella ont largement la confiance des Français. Nous essayons d'éviter le pire et parfois d'avoir quelques petits avantages pour les Français.
Vous pensez toujours qu'il faudra, à terme, privatiser le service public de l'audiovisuel ?
C'est nécessaire, en particulier France 2, il faut bien le dire. Parce que c'est une grande chaîne qui a les capacités de se confronter au privé.
Marine Le Pen disait la semaine dernière, dans Valeurs Actuelles, que pour la première fois, elle envisageait clairement la possibilité d'une candidature de Jordan Bardella pour la présidentielle de 2027. Ceci dans le cas où son inéligibilité était confirmée en appel. Est-ce que les choses sont désormais claires au RN ?
De notre point de vue, cela a toujours été clair. Ce qui est sûr et encore plus clair, c'est que Marine Le Pen est innocente et que son innocence sera reconnue et qu'elle pourra être notre candidate en 2027, avec Jordan Bardella comme Premier ministre.
Est-ce que les Français sont prêts à mettre à la présidence de la République un responsable, quel qu'il soit, qui n'a que 31 ans ? Est-ce que les Français sont prêts à ça ?
Les Français sont maîtres, mais je pense surtout qu'ils sont prêts à élire quelqu'un qui leur dise la vérité, qui les respecte, voire qui les aiment. Vous pouvez être beaucoup plus âgé comme d'autres, et mettre la France par terre. Et au contraire, vous pouvez aussi avoir l'esprit de la jeunesse, l'énergie. De toute façon, Jordan Bardella aura aussi une équipe avec lui. Quand vous élisez une présidente ou un président de la République, vous élisez une équipe, il faut s'en souvenir. Souvent, il faut aussi regarder ceux qui se tiennent à côté de la personne qui se présente pour comprendre le projet. Si nous avions mieux regardé ceux qui entouraient Emmanuel Macron, je pense que les Français auraient été prévenus et auraient voté pour Marine Le Pen.
Justement à côté de vous, il y a peut-être des candidats plus expérimentés et aux idées relativement proches, comme Bruno Retailleau. Est-il potentiellement un adversaire coriace ?
C'est un énième menteur qui ment beaucoup aux Français. On a pu voir les chiffres de l'immigration qui sont encore en amélioration de 4 %. La situation de la sécurité est catastrophique avec des émeutes quasiment tous les jours, y compris lors des grands événements. On ne peut plus célébrer quelque chose en paix, en famille. Les familles de France ont même peur d'aller au restaurant, d'aller au cinéma, d'aller à la plage. Les voyous sont partout et monsieur Retailleau n’est nulle part.