Laurent Vinatier jugé en Russie : "Plutôt qu'otage politique, nous préférons dire prisonnier politique", souligne Brigitte Vinatier, la mère du Français accusé d'espionnage
Le sort de son fils est entre les mains de la justice russe. Brigitte Vinatier est la mère de Laurent Vinatier, un Français arrêté en juin 2024 à Moscou, alors qu'il œuvrait pour une ONG suisse. Accusé de ne pas avoir déclaré son statut d'agent de l'étranger, il lui est à présent reproché d'être un espion. Alors qu'il risque jusqu'à 20 ans de prison, Brigitte se confie peu avant l'audience, lundi 25 août, interrogée par Lucie Chaumette dans le "11h/13h".
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Lucie Chaumette : Vous êtes la maman de Laurent Vinatier. Avant d'interroger cette audience à laquelle il sera confronté aujourd'hui, j'aimerais savoir comment il va. Est-ce que vous avez de ses nouvelles ?
Brigitte Vinatier : Oui, nous avons de ses nouvelles. Mais alors, d'une manière... Enfin, maintenant nous avons des nouvelles, parce que nous sommes restés quand même plusieurs mois sans aucune nouvelle. Les autorités françaises, aussi, en réclamaient. Maintenant, il est donc dans cette prison, à Lefortovo. C'est une prison connue pour être celle de prisonniers politiques qui sont interrogés par le FSB. Et nous pouvons échanger du courrier.
Du courrier, simplement ?
Oui, et ce n'est pas trop facile parce qu'il n'y a pas de site internet, mais on peut échanger du courrier. Pas de coups de téléphone, même son épouse ne le peut pas.
Il vous parle de quoi, votre fils, quand il échange avec vous ? Qu'est-ce qu'il vous dit ?
Justement, il ne peut pas parler du contenu des interrogatoires qu'il subit. C'est interdit. Il a reçu, et nous étions très soulagés pour ça, la visite du consul général de France à Moscou, avec interdiction absolue de parler de l'affaire. Alors ce qu'il nous dit, c'est qu'il est en bonne forme. Bon, il ne veut pas nous inquiéter, c'est sûr. On le croit. Et nous parlons vraiment des choses de la vie quotidienne. Il parle beaucoup de ses lectures, de ses réflexions. Il parle beaucoup, et je pense que ça le soutient, de ce qu'il envisage de faire plus tard.
"Je crains qu'on n'apprenne pas vraiment de précisions aujourd'hui à cette audience"
On sait qu'aujourd'hui, il va passer devant la justice. Il va être jugé pour espionnage. C'est un nouveau chef d'accusation, un chef qui est très lourd parce qu'il risque jusqu'à 20 ans de prison. Comment vous envisagez cette audience, cette journée ? Comment le vivez-vous en tant que maman ?
Justement, nous nous interrogeons déjà sur le terme d'espionnage, qui est paru dans la presse. Mais l'avocat de Laurent, qui est en lien avec notre belle-fille, son épouse, qui est russe, je crois, n'a pas prononcé ce mot. Donc, évidemment, nous attendons l'audience tout à l'heure, dans quelques minutes. Bien entendu, nous ne sommes pas optimistes, c'était quelque chose que nous craignions, parce qu'il n'y avait pas de raison. Au départ, Laurent avait été poursuivi. Il y avait eu une enquête au tout début, en juillet 2024, et puis ensuite, l'enquêteur avait dit que les charges étaient abandonnées. Et au lieu de poursuivre maintenant sa peine dans une colonie pénitentiaire, voilà qu'on les ramène à Moscou, ce n'est pas bon signe. Nous ne sommes pas plus inquiets qu'avant, parce que c'est un choc depuis plus d'un an. Nous sommes toujours aussi inquiets. Et évidemment, la peine de 20 ans de détention, ce n'est même inimaginable. Comme je le disais à vos confrères de France 2, on sera morts. De toute façon, dans 20 ans, je le crains. Bien sûr, nous sommes en lien avec les personnes de la cellule de crise, les diplomates français. Nous allons reprendre contact et voir ce qu'il est possible de faire. Il y a sûrement une stratégie.
Vous considérez aujourd'hui que l'État français est suffisamment derrière votre fils, l'aide suffisamment, que la France fait assez pour essayer de le faire libérer ?
Pour l'instant, oui, nous le pensons. Parce que finalement, il s'est passé très peu de temps. Son procès était au mois d'octobre, l'appel a eu lieu en février. Et puis, quelques semaines après, le voilà, revenu à Moscou. Je crains qu'on n'apprenne pas vraiment de précisions aujourd'hui à cette audience, parce qu'après, il y aura un procès. Et c'est à ce moment-là que nous demanderons aux autorités françaises quelles seraient leurs stratégies et ce qu'elles pourront concrètement faire.
On a vu la France qui a demandé, exigé même de la Russie la libération de votre fils, accusant Moscou de prendre des Occidentaux en otage. Vous considérez qu'effectivement votre fils est un otage politique aujourd'hui ?
Oui, et justement, plutôt que de dire otage politique, nous préférons dire prisonnier politique. Le terme otage est employé dans de très nombreuses occurrences et dans de nombreuses situations. C'est certain, prisonnier politique, d'autant que notre fils intervenait, puisqu'il faisait de la diplomatie parallèle entre la Russie et l'Ukraine. Prisonnier politique, c'est évident.