Violences sexistes : de la sphère intime à l’arène politique et aux terrains de football
Par Pauline Londeix, chercheuse et écrivaine
Ce samedi 25 novembre 2023, à Rome, le monde affluait pour rejoindre la manifestation. Le cortège ne discontinuait pas entre la station Colosseo et, un kilomètre plus loin, celle de Circo Massimo, le point de départ, dont le métro avait été fermé par la police, entre les vestiges antiques et les drapeaux des États membres du siège de la FAO (organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). Je n’avais jamais vu autant de monde dans les rues de Rome, malgré le froid. Le meurtre de Giulia Cecchettin, tuée par son ex-compagnon, le 11 novembre, avait provoqué une onde de choc dans le pays entier. Sans être un cas isolé, c’était « le féminicide de trop ».
Quelques heures plus tôt, à l’occasion d’un tournoi de football à cinq organisé par l’équipe amateure des Lupi, la mère de Nicole Lelli, assassinée par son compagnon en 2015, témoignait, en larmes. Nous n’oublions pas non plus toutes les autres, ni Marielle Franco, assassinée en 2018 à Rio de Janeiro, parce que noire, mariée à une femme, et femme politique. Plus proche de nous, dans le temps et géographiquement, il y a Gisèle Pelicot, confrontée depuis trois mois à ses agresseurs qui refusent majoritairement de reconnaître les viols qu’ils ont commis pendant une dizaine d’années. Ces féminicides et ces viols ont en commun une volonté des agresseurs de détruire, systématiquement. Un continuum se dégage de ces actes tragiques, qui ont détruit des vies, et des pratiques sexistes régulières.
Cette année encore, la Journée internationale contre les violences sexistes et sexuelles a permis de mettre en lumière le chemin qui reste à parcourir pour éradiquer ces violences. Dans mon livre « Footballs Politiques » (éditions 10/18, juin 2024), je citais une étude qui établissait une corrélation claire entre l’accès des femmes à la pratique du football – sport considéré comme exclusivement masculin – et leur accès à des postes d’élues. Lorsque l’on regarde le traitement des athlètes femmes de plus près, on se rend compte du sexisme quotidien et banalisé qu’elles subissent, des moyens consentis ridicules de la part de clubs qui sont capables d’offrir des salaires pharaoniques aux hommes. Mais les inégalités et l’iniquité ne se retrouvent pas que dans les salaires, mais aussi dans les conditions d’entraînement. Comment se développer comme professionnelle et performer au plus haut niveau quand on s’entraîne dans des conditions inacceptables, quand le centre sportif des hommes est interdit aux femmes et que celles-ci ont l’interdiction de les croiser, ou encore quand leurs salaires tardent à arriver ?
Il s’agit d’un continuum de pratiques et de violences sexistes omniprésent dans la société, qui implique que les femmes sont inférieures et que leurs performances ne sont pas dignes d’être regardées, ni appréciées. À titre d’exemple, la France compte sans conteste l’une des deux meilleures équipes européennes de football féminin, l’Olympique Lyonnais, 8 Ligues des champions en quinze ans à son palmarès. Pourtant, ces performances sont majoritairement snobées et ignorées. Il existe un continuum entre les pratiques sexistes quotidiennes et banalisées et les violences les plus graves, viols et féminicides, qui sont le prolongement de ces pratiques. Le chemin à parcourir reste immense pour mettre fin à ces violences, que ce soit dans la sphère intime, dans le monde politique et sur les terrains de football. Mais nous y arriverons.
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