Mouvement du 10 septembre : 100.000 participants attendus, est-ce un chiffre «assez bas», comme le dit Bayrou ?
«Cela veut dire 1000 personnes en moyenne par département. D’habitude, pour les grandes journées de mobilisation, c’est beaucoup plus», a jugé le premier ministre jeudi soir sur France 2.
Passer la publicité Passer la publicitéÀ partir de combien de manifestants le mouvement du 10 septembre sera-t-il considéré comme un succès par ses partisans ? À l’approche de la journée fatidique, lors de laquelle les manifestants appellent à «tout bloquer», le gouvernement cherche à dégonfler l’ampleur de la mobilisation à venir. «Je ne crois pas à des mouvements d’ampleur. En revanche, compte tenu de ces mouvances-là, de leur radicalité, il peut y avoir des actions spectaculaires», s’est avancé le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ce vendredi.
Invité sur le plateau du 20 Heures de France 2 la veille au soir, le premier ministre s’est aussi voulu rassurant sur le nombre de participants, mercredi prochain, estimé à 100.000 par les services de renseignement. «Excusez-moi, mais 100.000 personnes, c’est un chiffre [...] assez bas, pour la société française. Cela veut dire 1000 personnes en moyenne par département. D’habitude, pour les grandes journées de mobilisation, c’est beaucoup plus», a jugé François Bayrou.
Dans les faits, le premier ministre a raison d’affirmer que cette estimation des renseignements territoriaux semble peu élevée. Lors des manifestations les plus importantes ces dernières années, le nombre de personnes mobilisées était bien plus haut. Et ce, qu’il s’agisse des estimations des autorités ou celles, largement supérieures, de la CGT. À titre d’exemple, lors des manifestations contre la réforme des retraites sous Édouard Philippe, entre fin 2019 et début 2020, chaque journée rassemblait entre 100.000 et 800.000 personnes, selon le ministère de l’Intérieur. Le 6 février 2020, 121.000 manifestants étaient comptabilisés dans l’ensemble du pays par les hommes en bleu.
Plus récemment, lors de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites - finalement passée par l’exécutif -, plus de 280.000 manifestants étaient dénombrés début juin 2023. Ils étaient 570.000 deux mois plus tôt, et plus de 1,2 million en mars de la même année. Des chiffres, là encore, bien supérieurs à ceux avancés par les autorités pour le 10 septembre 2025. Une telle mobilisation n’avait d’ailleurs pas fait plier, malgré son ampleur, le gouvernement de la première ministre de l’époque, Élisabeth Borne.
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Une comparaison délicate avec les «Gilets jaunes»
Reste une subtilité : le mouvement «Bloquons tout» est organisé en dehors des cadres traditionnels, hors des syndicats, sur des chaînes WhatsApp, Telegram ou lors de réunions discrètes. De quoi compliquer toute projection du nombre de participants, d’une part, ainsi que le chiffrage des participants réels le jour même, d’autre part. Une situation qui rappelle le précédent des «Gilets jaunes», un mouvement social parti de citoyens lambda, et qui avait perturbé le premier mandat d’Emmanuel Macron.
Les chiffres disponibles pour les manifestations des «Gilets jaunes» révèlent toutefois, là encore, que 100.000 personnes restent un bilan plutôt faible. Les quatre premiers «actes» de la mobilisation avaient rassemblé plus de 120.000 participants chacun, avec un pic à 288.000 le 17 novembre 2018. Un niveau que les «Gilets jaunes» ne retrouveront jamais par la suite. Là encore, les chiffres étaient contestés par le mouvement, qui a proposé ses propres calculs, jusqu’à cinq fois supérieurs.
Dans tous les cas, résumer le mouvement «Bloquons tout» à son nombre de participants serait réducteur : dans certains secteurs économiques, une poignée de grévistes suffit à stopper l’activité. C’est ainsi le cas dans les transports - comme le ferroviaire ou l’aérien -, ou encore dans les raffineries. Des domaines dans lesquels les syndicats promettent d’appuyer fortement la colère exprimée à l’échelle nationale. Reste à voir si les menaces se matérialiseront dans les faits, ou si le ton rassurant de François Bayrou se vérifiera.