Y a-t-il vraiment un risque de pénurie de beurre en France ?

Devrons-nous bientôt nous passer de beurre ? Depuis plusieurs semaines entend-on poindre des inquiétudes sur la disponibilité de cette denrée essentielle en France, affectée par la chute de la production laitière. Au point que certains parlent même de risques de pénuries en rayons, à l’image ce qu’il s’était passé fin 2017.

La faute, notamment, aux périodes de canicule traversées par la France cet été, qui ont affecté la fabrication du lait. Une étude publiée en juillet dans la revue Science Advances a montré que la chaleur extrême réduisait le rendement laitier jusqu’à 10%, avec des effets qui persistent pendant plus de dix jours. À cela s’est ajoutée la fièvre catarrhale ovine, qui a décimé les troupeaux depuis le début de l’été. «Nous avons un taux de perte très important : près de 60 % de mortalité ! Nous avions 130 brebis laitières et il nous en reste seulement 50 !, se lamente ainsi un éleveur sur le site de la communauté de communes Cœur de Chartreuse, située dans les départements de l’Isère et de la Savoie. Et dans les animaux encore debout, il y a des bêtes très affaiblies».

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Une autre raison à cette baisse de la production laitière est à chercher du côté de la chute du nombre de producteurs laitiers. «Certains arrêtent ou ne trouvent pas de repreneurs», explique Yohann Barbe, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), sur Sud Radio. «Cela fait plus d’un an qu’on est passé sous la barre des 50.000 productions laitières», rapporte-t-il. «Avec un revenu faible, on a découragé les producteurs de lait», déplore sur BFMTV Benoît Gavelle, secrétaire général adjoint de l’Union des producteurs de lait. Cette crise des vocations inquiète le secteur : «La France pouvait produire 24 milliards de litres de lait et assez de matière grasse. Aujourd’hui, on en produit 23 milliards. Il nous manque ce milliard de litres de lait aujourd’hui», s’alarme Yohann Barbe. 

Des stocks de beurre «pas très élevés»

Le recul de la fabrication laitière s’élève ainsi à «2% par an sur les cinq dernières années», calcule le président du FNPL. Conséquence, le prix du beurre a atteint un nouveau sommet en avril 2025, à 7500 euros la tonne, selon le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). «La hausse du prix du beurre est directement liée à la baisse de la production», avance Benoît Gavelle.

Pour autant, «il n’y a pas de risque de pénurie de beurre» en France, affirme à l’AFP Jean-Marc Chaumet, économiste au Cniel. Selon l’expert, malgré la fièvre catarrhale et les pics de chaleur, la collecte de lait sur l’année devrait être «comparable» à celle de 2024. «Même si on n’a pas forcément plus de lait, on peut faire plus de beurre et c’est en train de se passer en France», ajoute-t-il. Et si jamais la France manquait vraiment de beurre, elle pourrait en importer davantage. Car bien que notre pays soit une puissance laitière, il est aujourd’hui importateur de beurre.

«Il faut inverser la tendance si on veut garder la souveraineté laitière française», alerte toutefois le président de la FNPL. Car cette tendance peut avoir des conséquences sur les prix, explique-t-il : «À terme, les pays nous approvisionnant en beurre peuvent être contraints de baisser la production car confrontés aux mêmes crises sanitaires et environnementales. Être dépendant des autres est dangereux à court terme ou à long terme.»

Attention néanmoins, «les stocks de beurre ne sont pas très élevés», souligne Jean-Marc Chaumet, mais cela va avec une consommation à la traîne depuis le début de l’année (-3,5% sur les ventes au détail). «Dire qu’il y aura une pénurie de beurre dans les rayons des grandes surfaces, je n’y crois pas pour l’instant. Par contre, il peut y avoir une pénurie plutôt dans l’industrie agroalimentaire, c’est-à-dire dans les pâtisseries et les boulangeries», prévient Yohann Barbe sur LCI. Avec le risque que les industriels importent «massivement de la matière grasse au détriment des producteurs en France». Les derniers chiffres de production sont toutefois encourageants : la production de beurre à la fin mai était en hausse de 1,7% par rapport aux cinq premiers mois de 2024, selon les données du ministère de l’Agriculture.