Notre critique du Barbier de Séville qui enchante Lille

Le public jeune, divers et enthousiaste qui a fait un triomphe à la première du Barbier de Séville de Rossini à l’Opéra de Lille jeudi soir est la meilleure réponse à ceux qui continuent à tenir l’opéra pour un genre élitiste et vieillissant. Pour sa dernière saison à la tête de ce magnifique théâtre, Caroline Sonrier, qui l’aura, pendant vingt-deux ans, remis au cœur du paysage lyrique français, revient à ses fondamentaux…

Après tout, c’est elle qui, au tournant des années 2000 et 2010, a révélé le metteur en scène de théâtre Jean-François Sivadier en homme d’opéra. À un moment victime de son succès, il a donné l’impression de se répéter. Mais une fois sorti de cette surexposition, revoir un de ses meilleurs spectacles nous rappelle qu’il avait inventé un langage. Un plateau vide, des personnages qui apparaissent d’abord en costumes de tous les jours avant d’endosser leur rôle, quelques accessoires pour suggérer plus qu’illustrer : on est au théâtre.

La mécanique de l’énergie

Les corps y ont une importance considérable, et c’est Barbier très physique. Le rythme y est tout. Excepté quelques cordes, chaises et caisses, et bien sûr ces stores vénitiens qui délimitent les aires de jeu, tout va se jouer sur la mécanique de l’énergie, le drive. Certes, les fins d’acte sont à la limite de la confusion et certains boulons seraient à resserrer, mais on se laisse entraîner dans le tourbillon sans se poser de questions. Et la salle suit ! Une reprise, c’est aussi l’occasion de découvrir de jeunes chanteurs, et on est servi. Placé au centre de l’action par la mise en scène, le Figaro d’Alessandro Luongo brûle les planches avec un aplomb scénique, un éclat vocal et une discipline musicale de premier ordre.

Repérée à Rouen puis à Aix-en-Provence, la Canadienne Deepa Johnny est une Rosine accomplie, voix ronde, moelleuse et homogène et chaleur humaine immédiate. Arrivé à la rescousse pendant les répétitions, César Cortès est le ténor rossinien requis par le Comte, timbre agréable et ligne élégante, parfois pris à froid dans l’agilité. Omar Montanari a déjà tout du grand baryton bouffe qu’est Bartolo, drôle et bien chantant, sans oublier la diction et la virtuosité. Voix un peu pâteuse pour le Basilio de Vazgen Gazaryan, tout le contraire de l’explosive d’Andreea Soare, avec qui Berta n’est plus un second rôle.

Si le tout ne s’éparpille pas, c’est enfin grâce à la direction de Diego Ceretta, encore un jeune artiste, qui progressera encore mais ne confond pas vitesse et précipitation, et laisse s’épanouir le bel canto tout en gardant le rythme serré. Il obtient de l’Orchestre national de Lille une légèreté dont les orchestres symphoniques nourris au gros son de Mahler ne sont plus si familiers. Soirée crépitante.

Opéra de Lille, jusqu’au 10 mars.