Malgré la polémique, Emilia Pérez repart avec deux trophées aux Bafta, les César anglais

Un bon signe en vue des Oscars, qui auront lieu le 2 mars ? Malgré la polémique née des tweets racistes de son actrice principale Karla Sofía Gascón, qui s’est mis en retrait de la campagne, Emilia Pérez n’est pas repartie les mains vides des Bafta. L’équivalent anglais de nos César se tenait dimanche soir à Londres. Nommé à 11 reprises, le drame musical de Jacques Audiard sur un narcotrafiquant faisant sa transition de genre a été sacré meilleur film étranger. Zoe Saldana, qui campe l’avocate de l’héroïne tutélaire décroche, comme aux Golden Globes, la statuette du meilleur second rôle. Ces deux catégories gagnantes étaient les plus sûres pour le long-métrage de Jacques Audiard.

Si Jacques Audiard avait pris ses distances avec Karla Sofía Gascón -déclarant dans Deadline «ne pas vouloir lui parler»-, le réalisateur a quand même eu une pensée dans son discours pour son actrice persona non grata et absente de la cérémonie : «Je veux remercier Karla et je l’embrasse». Zoe Saldana lui a emboité le pas, notant «Emilia Pérez était le plus grand challenge de ma carrière et celle de Jacques : Comment faire un tel film qui défie toute catégorisation ?».

La joie de Zoe Saldana Isabel Infantes / REUTERS

Conclave et The Brutalist ex aequo avec quatre trophées

Les Bafta regroupent 13.000 membres, dont plusieurs centaines d’entre eux sont aussi membres des Oscars. Ce qui fait dire que le palmarès des Bafta est un des nombreux baromètres de la cérémonie hollywoodienne. Toutefois les Bafta, qui disposent de catégories où seuls les œuvres britanniques sont éligibles, aiment aussi récompenser des productions «maison». Wallace & Gromit La palme de la vengeance  cumule le Bafta du meilleur film familial et du film d’animation. Le prix du meilleur premier film a été attribué au biopic irrévérencieux Kneecap de Rich Peppiatt, qui sortira en France en juin et retrace le parcours de trois rappeurs de Belfast défendant la culture irlandaise et gaélique. «Tout le monde devrait avoir sa langue, sa culture et sa patrie être respectées», souligne le cinéaste.

Ralph Fiennes et Isabella Rossellini, les héros de Conclave Isabel Infantes / REUTERS

Le grand gagnant de cette soirée a été le thriller papal Conclave d’Edward Berger. En lice à 12 reprises, ce suspense en plein Saint-Siège a fait coup double empochant le trophée du meilleur film et de la meilleure production britannique. Sans oublier meilleur montage et meilleure adaptation. «Je ne suis même pas d’ici !», a remarqué Edward Berger. À l’approche des élections de la semaine prochaine dans son pays natal, l’Allemagne, il a prononcé le discours le plus politique de ce dimanche : « Nous vivons une crise de la démocratie. Les institutions qui nous rassemblaient nous séparent désormais. C’est aussi pour cela qu’on a fait Conclave. »

Adrien Brody a aussi damé le pion à Timothée Chalamet. Isabel Infantes / REUTERS

Même total de quatre récompenses pour The Brutalist. Sa vedette, l’Américain Adrien Brody, a triomphé des enfants du pays Ralph Fiennes (altruiste cardinal et boussole morale de Conclave) et Hugh Grant (Hérétique) pour son rôle d’architecte survivant de la Shoah essayant de refaire sa vie en Amérique. Brady Corbet, le réalisateur de cette fresque monumentale, a été désigné meilleur réalisateur. Comme aux Golden Globes.

Les Bafta n’ont pas apporté tous les éclaircissements nécessaires

Dans une saison des prix qui s’est révélée incertaine sans favori s’imposant de manière durable, les Bafta n’ont pas apporté tous les éclaircissements nécessaires. En témoigne son appui à Conclave au détriment de The Brutalist et d’Anora, qui domine les podiums précurseurs aux États-Unis. Les Bafta ont rendu un peu plus illisible la très disputée catégorie de la meilleure actrice. Leur statuette n’est pas revenue à la favorite des pronostics Demi Moore de The Substance, la fable horrifique de la Française Coralie Fargeat, mais à Mikey Madison, la révélation d’Anora. De quoi confirmer la remontada étonnante de la palme d’or cannoise de Sean Baker dans la course aux Oscars.

Les péripéties d’une danseuse exotique à la poursuite de son fiancé nepo-baby d’un oligarque russe ont décroché deux trophées décisifs aux États-Unis : celui de la guilde des producteurs et des réalisateurs. Le lauréat des syndicats est quatre fois sur cinq celui qui triomphe aussi aux Oscars ! Prise de court par le verdict des Bafta, Mikey Madison n’avait pas préparé de discours. La jeune femme a affirmé son soutien aux travailleuses du sexe : «Vous méritez le respect, de l’humanité. Je serai toujours votre alliée». Anora est aussi reparti avec le Bafta de la meilleure distribution.

Autre surprise, le sacre de la comédie A Real Pain de Jesse Eisenberg dans la section meilleur scénario. Le road-trip dans la Pologne de la Shoah a valu un énième trophée à son partenaire névrosé Kieran Culkin, qui fait un grand chelem cette saison.

Mikey Madison Toby Melville / REUTERS

Présentée pour la deuxième année consécutive par l’acteur David Tennant, la soirée des Bafta a été enlevée et vive. La star des séries Broadchurch et Doctor Who est arrivée en chanson en reprenant le tube des Proclaimers I’m Gonna Be (500 Miles), sollicitant certains invités prestigieux (Colman Domingo, James McAvoy) à faire les chœurs. Comparant Donald Trump à Bettlejuice, il a chambré Timothée Chalamet le prenant pour son sosie. Puis a taquiné ceux qui dans la salle ont fait usage de chirurgie esthétique dans une allusion à The Substance. Un autre moment fort et musical a été l’apparition sur scène du boys band phare des années 90 Take That. Les ex-comparses de Robbie Williams ont interprété leur tube Greatest Day qui apparaît dans Anora. Entre baisemain et ballon en forme de cœur, distribués par leurs soins, Mikey Madison a été très gâtée.