Fin du permis à vie : les seniors sont-ils vraiment «des dangers publics» en voiture ?

D’ici à trois ans, la France devra mettre en œuvre une réforme du permis de conduire réduisant sa durée de vie à 15 ans. La durée de validité pourra aussi être réduite pour les seniors (conducteurs âgés de plus de 65 ans) pour qu’ils se soumettent plus souvent à des visites médicales ou à des cours de remise à niveau. C’est le résultat de la révision de la réglementation européenne en la matière, adoptée définitivement par les députés européens, mardi 21 octobre.

Le débat fait rage, la possibilité d’une telle réglementation concernant les plus âgés est-elle utile ? Les accidents impliquant des conducteurs seniors ayant causé la mort ou de graves blessures sont souvent très médiatisés. Comme d’autres, ils sont dramatiques et paraissent évitables.

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En juin 2024, une conductrice de 83 ans, roulant à contresens dans une avenue limitée à 30 km/h, a percuté un groupe de douze enfants à vélo encadrés par des animateurs de centre aéré. Margot, 10 ans, est décédée de ses blessures le lendemain. Six autres enfants ont été blessés. L’octogénaire, contrôlée négativement à l’alcool et aux stupéfiants, avait alors évoqué un malaise.

Des victimes s’opposent aux associations de conducteurs

Pauline Déroulède, joueuse de tennis professionnelle en a fait son combat : elle a perdu sa jambe gauche en 2018 à Paris, fauchée par un nonagénaire ayant confondu le frein avec l’accélérateur. Pour elle, cela va de soi, il faut des visites médicales obligatoires d’aptitude à la conduite, en premier lieu, pour les seniors. Et le vote du Parlement européen est donc une ««énorme victoire», se félicite-t-elle.

Autre son de cloche, du côté d’associations comme 40 millions d’automobilistes et la Ligue de Défense des Conducteurs. Pour elles, la médicalisation systématique du permis serait une « fausse bonne idée ». Cette réforme serait au contraire « infondée, inutile », soulignant par exemple que cela créerait des contraintes intenables, en particulier dans les territoires ruraux souffrant de désert médical.

Les seniors sont vulnérables, mais pas forcément dangereux

Dans les faits, tout comme les jeunes conducteurs, les séniors sont surreprésentés parmi les personnes tuées lors d’accidents de la route. En 2024, 48 personnes sont décédées par million d’habitants en France métropolitaine. On compte 97 tués par million d’habitants pour les jeunes de 18-24 ans ; 83 tués par million pour les seniors de 85 ans ou plus ; 73 tués par million pour les seniors de 75-84 ans (ONISR pour 2024).

Autres chiffres : les jeunes adultes (18-24 ans) ont de loin le taux le plus élevé de responsabilité dans les accidents mortels rapportés à la population (136 responsables d’accident mortel pour un million d’habitants en 2024). Sur ce plan, les 65-74 ans présentent un taux équivalent à celui des 45-64 ans. Pour les 75 ans et plus, le ratio remonte (62), restant toutefois bien inférieur à celui des jeunes conducteurs.

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Ces chiffres illustrent clairement que les seniors sont moins «des dangers publics» en voiture que les plus jeunes, et pas tellement plus que les autres tranches de la population. Si leur «dangerosité» sur la route augmente avec l’âge : on peut plutôt les qualifier de «vulnérable».

Que disent les études ?

La direction de la Sécurité routière s’intéresse de près à cette vulnérabilité, en commandant des études d’évaluation. L’une d’elles publiée en 2024 en Pays de la Loire, démontre que les automobilistes âgés sont moins souvent victimes d’accidents mais plus souvent tués. L’étude révèle une vulnérabilité accrue en milieu rural pour les automobilistes âgés ou encore lorsqu’ils redeviennent piétons.

En réalité, deux problèmes entrent en collision. Les fragilités physiologiques propres au vieillissement (diminution des capacités sensorielles, cognitives et motrices) rendent plus difficile et plus dangereuse l’usage de la voiture. De l’autre côté, un phénomène de renoncement progressif à la conduite est observé chez les seniors souvent lié à une peur accrue de l’insécurité routière ou la difficulté à s’adapter aux conditions de circulation.

Cela entraîne une diminution des déplacements : source d’isolement social et émotionnel. Les études en attestent, l’isolement des personnes âgées aggrave leurs fragilités physiologiques : un cercle vicieux.