Interception du Madleen par l’armée israélienne : que dit le droit international ?

Alors que le bateau Madleen traçait son chemin dans les eaux internationales en direction de Gaza pour y acheminer de l’aide humanitaire, avec à son bord douze personnes, dont la militante écologique Greta Thunberg et la députée européenne française Rima Hassan, il a été intercepté dans la nuit du 8 au 9 juin par l’armée israélienne et dérouté vers le port d’Ashdod en Israël. Cette interception constitue-t-elle une violation du droit international ? La réponse est sans aucun doute positive.

D’abord, on distingue les « eaux territoriales » régies par le droit de l’État concerné, et celles de haute mer, ou eaux internationales régies par le droit international. Il ressort des dispositions de la Convention de Montego Bay sur le droit de la Mer signée le 10 décembre 1982 (entrée en vigueur le 6 novembre 1994), que la limite fixée permettant de délimiter les eaux territoriales des eaux internationales est de 12 milles marins (environ 22 km).

En deçà, il revient aux États côtiers de protéger leur souveraineté, au-delà le droit international commande de respecter la liberté de naviguer. Or, lors de son interception par Israël, le navire humanitaire qui a pu communiquer sa position et être géolocalisé au moyen d’un tracker, se trouvait à 31 milles marins (57 km) des côtes, c’est-à-dire dans les eaux internationales et non dans les eaux territoriales israéliennes, si bien que c’est le principe de la liberté de navigation qui prime (art. 87 de la Convention qui s’applique à tous les États, y compris à Israël même s’il ne l’a pas ratifiée).

Ensuite, toute interception en haute mer doit se faire conformément aux règles de droit international. C’est le cas lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que de graves infractions sont commises, comme l’esclavage ou la piraterie. Or tel n’était pas le cas en l’espèce. Le seul pays ayant compétence pour intercepter un navire dans les eaux internationales était celui de sa juridiction, à savoir le Royaume-Uni puisque le voilier battait pavillon britannique.

Enfin, le motif invoqué par le gouvernement israélien relatif au blocus maritime à Gaza est juridiquement erroné. Institué depuis plus de 16 ans, ce blocus viole le Manuel de San Remo sur le droit international applicable aux conflits armés sur mer et adopté le 12 juin 1994.

Ce texte prévoit la déclaration et la notification du blocus avec l’indication du début de la mesure, de sa durée, du lieu et de son ampleur. Surtout, il est prévu que la déclaration ou la mise en place d’un blocus est interdite « s’il a pour unique objectif d’affamer la population civile ou de lui interdire l’accès aux autres biens essentiels à sa survie ou si les dommages causés à la population civile sont, ou si on peut prévoir qu’ils seront, excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu » (§102). 

Or, il est incontestable que les effets de ce blocus sont disproportionnés par rapport à l’objectif militaire escompté et ne concernent en aucun cas la livraison des armes au Hamas. De ce fait, loin de pouvoir justifier l’interception de la flottille humanitaire, ce blocus est illicite et constitue un acte d’agression au sens de la résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unis, en ce qu’il « sert une occupation illégale » qui est celle des territoires palestiniens occupés par Israël.

On relèvera que le DIH permet toutefois une réserve concernant un droit de contrôle par la puissance occupante sur l’aide sans que cela ne puisse entraver sa distribution à la population, ce que l’occupant méconnaît aujourd’hui en procédant à la fermeture systématique de l’acheminement de l’aide humanitaire et la famine qui en découle. 

Rappelons que la CIJ a déjà pu estimer, dans son avis du 19 juillet 2024, que « la présence continue d’Israël [puissance occupante] dans le Territoire palestinien (…) constitue un fait illicite qui engage la responsabilité internationale de cet État ». La CIJ avait alors conclu que l’État d’Israël était « dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais ».

De surcroît, les mandats d’arrêts émis le 21 novembre 2024, par la CPI contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et contre l’humanité, faisaient également référence à ce blocus puisque la chambre préliminaire de la CPI relevait déjà l’entrave faite à l’entrée de l’aide humanitaire.

L’arraisonnement du voilier Madleen est par conséquent une nette violation du droit international humanitaire au sens de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Sont protégées « les personnes qui, à un moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une Partie au conflit ou d’une Puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes » (art.4).

La Convention indique également que la Puissance occupante a le devoir d’assurer l’approvisionnement de la population en vivres et en produits médicaux. De plus, dans sa récente résolution du 12 juin 2025 adoptée par une écrasante majorité d’États (149 voix pour, 19 abstentions et 12 contre), l’AG de l’ONU demande un accès sans entrave de l’aide humanitaire et « condamne fermement le recours à la famine comme méthode de guerre, le refus illégal d’accès à l’aide humanitaire et le fait de priver les civils des produits indispensables à leur survie, notamment en entravant délibérément l’acheminement des secours et l’accès à l’aide ».

En résumé, l’interception du voilier Madleen constitue non seulement une violation du droit de la mer, mais également une violation du droit international humanitaire et des ordonnances de la Cour internationale de justice. Le respect du droit international imposait, au contraire, à Israël d’assister ce navire pour mener à terme sa mission humanitaire.

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