Public de province, razzia sur les meilleurs jeunes, dates en Europe... comment Hexagone MMA est en train de devenir la première ligue française

Hexagone MMA est une ligue fondée par deux frères Toulousains avec une intuition : il y a des amateurs de MMA sur tout le territoire. Diffusée sur RMC sport, cette ligue tourne dans des villes de taille intermédiaires, y proposant des cartes s’ouvrant toujours des jeunes combattants locaux, qui peuvent briller avant les combats professionnels. 

Son CEO Laurent Pourrut dresse le bilan d’une année 2024 réussie, et trace les perspectives de 2025 où plusieurs dates à l’étranger sont prévues (Pays-Bas, Angleterre et Hongrie). Construite progressivement grâce aux régions, loin du bling-bling parisien, Hexagone devient une concurrente très sérieuse pour être la première organisation française.

À l’occasion de son événement à Évry ce samedi 23 novembre 2024, Laurent Pourrut répond à toutes nos questions.


Quelles seront les spécificités de votre événement à Évry, dans la salle d’e-sport de la K-corp ?

Laurent Pourrut : Il y avait plusieurs raisons pour venir à Évry. Tout d’abord, Hexagone est une ligue européenne basée en France et née à Toulouse. Ce dernier point est important pour comprendre notre approche vis-à-vis des «territoires». Nous considérons que les gens qui sont passionnés de sport sont partout. Lorsqu’on pense événement sportif, on pense tout de suite à Paris, grâce à l’attrait de toutes les ligues qui y sont déjà venues, en particulier l’UFC. Nous, on veut dire que les territoires ont une place importante dans ce sport qui se démocratise de plus en plus.

Justement, l’Île-de-France ce n’est pas exactement Paris mais la région parisienne. En cherchant quelque chose pour la périphérie de Paris, nous sommes tombés sur la salle de la Karmine Corp (une équipe d’e-sport, NDLR), parfaitement neuve. C’est intéressant, puisqu’à mon point de vue l’esport attire un public proche de celui du MMA, c’est-à-dire des jeunes de dix-huit à trente-cinq ans.

Nous trouvions toujours regrettable de ne pas avoir de grands athlètes et de superstars venir dans les régions

Laurent Pourrut

Il y a un autre clin d’œil avec l’e-sport. Nous nous sommes aperçus que le MMA, si vous me permettez cette expression, se «gamifie». Dans le sens où on y voit de plus en plus de spectacle, de jeu de la part des athlètes lorsqu’ils rentrent dans la cage. Il y a de plus en plus de mises en scène autour de la cage ; un peu prise sur le jeu vidéo, un peu prise sur le catch. Disons que le MMA n’est pas un sport spectacle, mais un sport avec spectacle.

Pourquoi avoir fait le choix de monter une organisation qui tourne dans des villes de province, de taille intermédiaire ?

Mon frère et moi (Hexagone est gérée par Laurent et Jérôme Pourrut) sommes de Toulouse. Nous trouvions toujours regrettable de ne pas avoir de grands athlètes et de superstars venir dans les régions. Le fait que tout soit concentré dans la capitale était le point de départ de notre réflexion et de nos envies. Nous voulions faire sortir ce sport de Paris pour pouvoir partager notre passion. Le public répond systématiquement présent lorsqu’on vient en province. Il y a les passionnés de MMA, mais aussi des passionnés de sport tout court désireux de découvrir. Or, découvrir depuis la salle c’est autre chose que devant un écran : une expérience pleine d’émotions, d’appréhensions. J’ajoute que l’ambiance de la foule est toujours extraordinaire en France, par rapport à d’autres pays. Qu’on aime le MMA ou qu’on l’aime un petit peu moins, vivre ça, c’est de belles émotions.

Vous avez fait une razzia sur les jeunes combattants les plus prometteurs, comment réussissez-vous à les attirer ?

Il y a plusieurs réponses. Nous avons plusieurs axes pour construire nos cartes. Tout d’abord, il faut assurer l’avenir en repérant et en faisant monter des jeunes talentueux. Par exemple, en attirant ceux qui ont performé aux IMMAF, les championnats du monde amateurs dans lesquels trois de nos talents ont remporté des médailles au mois de novembre. On a aussi des sportifs aguerris comme Matthieu Letho-Duclos, Michael Aljarouj, ou encore Anas Azizoun. On a enfin des combattants très expérimentés et plus connus médiatiquement comme Grégory Bouchelaghem alias Greg MMA. Je pense qu’on a réussi à inspirer et transmettre ce qu’on est profondément, à savoir une entreprise familiale. Avec mon frère, nous voyons bien que c’est un «business» dur, qui demande beaucoup de travail. Mais ce côté familial, je pense qu’on a réussi à l’insuffler à nos équipes et à nos combattants.

Aussi, nous sommes la Ligue la plus éthique sur le territoire français. Nous ne sommes pas actionnaires d’un quelconque club, on a aucun intérêt capitalistique avec qui que ce soit contrairement à toutes les autres organisations qui sont managées par leur propre intérêt Vous pouvez regarder les oppositions on ne favorise personne. S’il y a une opposition entre un Français et un Européen, que le meilleur gagne. Il faut toujours que ce soit le sport qui gagne. Nos oppositions sont équilibrées. On ne va pas envoyer quelqu’un de jeune au casse-pipe face à quelqu’un d’expérimenté, pour faire monter ce dernier jusqu’à l’UFC. L’éthique est au cœur de notre système et je pense que les athlètes l’apprécient énormément.

Le but lorsqu’on va dans un territoire, c’est de promouvoir et de pousser des talents locaux. Si notre organisation ne prenait pas des jeunes combattants qui ne seraient jamais invités à combattre à Paris on passerait à côté de notre vocation

Laurent Pourrut

Les jeunes qui montent en pro ont un plan de carrière, souvent déjà inscrit dans leur tête ; faire ses preuves sur le sol national et trouver ensuite un moyen de monter. Pour ce faire, il faut pouvoir se construire et réussir la transition d’amateur à professionnel. La marche est difficile à franchir ! Par exemple il y a la différence de «weight-cutting». En amateur on est pesé le jour du combat, en professionnel on est pesé la veille. Pour faire ce rebond de poids il faut être très bien accompagné : les jeunes combattants le sont particulièrement avec Hexagone.

Pourquoi faire des cartes sur lesquelles des amateurs combattent en compagnie de professionnels ?

Il y a dix ou douze combats par soirée. Or, le but lorsqu’on va dans un territoire, c’est de promouvoir et de pousser des talents locaux. Si notre organisation ne prenait pas des jeunes combattants qui ne seraient jamais invités à combattre à Paris on passerait à côté de notre vocation. Si on ne donne pas leur chance aux amateurs de la région où l’on passe, personne ne le fera.

On pourra ensuite les aider à passer professionnel ; et si un jour on débusque le très grand talent qui prendra une ceinture mondiale, ce sera une très grande fierté de savoir qu’ils ont commencé, grâce à nous, à la maison. Ça serait une belle histoire à raconter ! C’est l’ADN d’Hexagone MMA. Pour reprendre une petite phrase, «nous, on est sur la vidéo, pas sur la photo». Sur la vidéo on voit l’ensemble de la carrière d’un athlète, pas juste un événement.

Est-ce que vous croyez qu’un marché comme la France peut vivre avec plusieurs grandes organisations ?

Je pense que la compétition est toujours importante. Un marché où il y a des monopoles marche moins bien. On se repose sur ses lauriers. Je pense qu’il y a la place pour deux grosses organisations nationales, et ensuite des organisations régionales qui monteront un événement par an dans la ville de taille intermédiaire. Ces organisations modestes sont souvent le fait de passionnés, qui sont par ailleurs propriétaires de gymnase et entrepreneurs. Ce type d’événement est aussi important pour faire vivre le MMA localement.

Quand une organisation a des parts dans du management, il y a toujours un risque. On peut se poser la question de l’équilibre sportif

Laurent Pourraut à propos de AresMMA

Craignez-vous la concurrence du fonds Slam, qui vient de racheter AresMMA pour en faire un groupe ?

Pour l’instant je n’en pense rien : j’ai beaucoup entendu, mais je n’ai encore rien vu. Par exemple je n’ai pas vu de changement par rapport aux cartes précédentes. Le MMA Factory (équipe parisienne rachetée par le groupe Ares MMA) est encore très en force. Maintenant Ares a aussi racheté la BTT (Bulgarian top team, une entreprise de management dirigée par Guillaume Peltier, plus gros portefeuille de combattants français) : j’attends de voir comment le sport sera traité. Quand une organisation a des parts dans du management, il y a toujours un risque. On peut se poser la question de l’équilibre sportif.

Est-ce que vous trouvez que le MMA français est bien structuré, concernant les gymnases, les managements, les gestionnaires d’image, les investisseurs ?

Oui ! Ça va clairement dans la bonne direction. C’est pourtant difficile d’être parfait quand on est très jeune. La Fédération va aussi dans le bon sens. Il y a par exemple une vraie politique antidopage en France. C’est un point clef protéger les athlètes. Je reviens sur le mot éthique ; c’est important pour nous que tout le monde sache que nos deux athlètes seront propres, et qu’ils vont combattre avec une vraie égalité des chances. On ne le trouve pas dans tous les autres pays. Je pense à une très grosse organisation polonaise qui vient de temps en temps en France (le KSW, NDLR)..Quand on regarde leur carte à Paris, il n’y a que des Français. Où sont les Polonais ? Pourquoi ne veulent-ils pas venir combattre en France ? Je comprends mal l’intérêt des combattants français à aller combattre là-bas dans ces conditions. J’appelle à une harmonisation européenne à ce sujet. L’intégrité des athlètes est une priorité. Il faut que ce soit les mêmes règles partout.

Où en est votre partenariat avec le KSW ?

Il n’y a pas eu de partenariat à proprement parler ; on a juste autorisé quelques athlètes à combattre sur la première soirée du KSW à Paris, dans un esprit de pouvoir les aider à combattre ailleurs. Maintenant, on est un peu refroidis quand on a vu ce qui s’y passait. Récemment, un combattant du KSW suspendu pour trois ans en Grande-Bretagne pour dopage a pu combattre tranquillement en Pologne. Où est la logique sportive là-dedans ?

On a découvert plein de nouvelles villes qui nous ont fait un très bon accueil avec de belles affluences locales

Laurent Pourrut

Quel bilan tirez-vous de l’année 2024 d’Hexagone MMA, et quels sont vos objectifs ?

Le bilan est très positif. Hexagone se positionne comme la plus grosse ligue française, en termes médiatiques et de diffusion. Nous sommes diffusés sur une quinzaine de chaînes en France et à l’international, dont RMC Sport qui nous soutient depuis le premier événement. Je les remercie toujours pour nous avoir fait confiance. On a fait beaucoup d’événements cette année à grande cadence, on a découvert plein de nouvelles villes qui nous ont fait un très bon accueil avec de belles affluences locales.

Là on finit la saison à l’étranger au Pays-Bas. C’est la deuxième fois que nous ferons une date là-bas. Pour 2025, l’objectif est d’amener le MMA dans encore plus de villes françaises et européennes. Dans notre calendrier, nous avons des dates en Grande-Bretagne à Manchester : ce sera notre grande première britannique. Il y aura aussi des dates en Belgique, et nous allons bientôt annoncer la Hongrie. C’est un très beau pays qui adore le MMA. La soirée aura lieu à l’Audi arena de Györ.

Nous sommes une ligue européenne qui se construit pas à pas en restant solide sur ses appuis et sans vouloir griller toutes les étapes. Nous sommes des coureurs de fond, des marathoniens, pas des sprinters. On n’est pas là pour faire des folies, on est là pour construire.