« Il faut que tout change pour que rien ne change », telle était la maxime de Clément Delépine, quand il fut nommé, en 2022, directeur de Paris+, rebaptisé, l’année suivante, Paris + par Art Basel, la plus puissante des foires d’art moderne et contemporain créée à l’origine dans la ville suisse des bords du Rhin. Sous son impulsion, tout a changé dans la capitale à un moment où, du reste, celle-ci avait le vent en poupe. La marque du groupe bâlois MCH avec sa machine de guerre qui évinça d’un coup de maître la FIAC du Grand Palais, réussit à métamorphoser la place de Paris dans l’échiquier international du marché de l’art.
Aujourd’hui, fort déjà de cette belle trajectoire, le Français, très au fait du marché et de ses enjeux sous ses airs discrets, a d’autres ambitions de carrière. La nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre, vendredi, à un mois et demi de l’ouverture de Paris+ par Art Basel. Clément Delépine prend la direction de Lafayette Anticipations, Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, grand laboratoire d’art contemporain qui égraine les expositions avant-gardistes, à compter du 17 novembre 2025. Il assurera la prochaine édition du Grand-Palais qui ouvrira au public du 24 au 26 octobre, avec deux journées VIP en amont. Puis remplacera Rebecca Lamarche-Vadel, ex-commissaire d’expositions au Palais de Tokyo, arrivée en 2019. Cette dernière « a souhaité ouvrir un nouveau chapitre personnel et professionnel de son parcours et quittera ses fonctions à l’automne », précise le communiqué.
Passer la publicitéLe tremplin d’Art Basel pour un nouveau cap
Qu’elle sera sa fonction exacte ? Clément Delépine «aura pour mission d’accompagner la fondation, en étroite collaboration avec son président Guillaume Houzé, dans une nouvelle étape de son développement afin de renforcer son positionnement sur la scène française et internationale de l’art contemporain ; la fondation offrira aux artistes mais également à des personnalités du design, de la mode, de la scène littéraire et musicale des moyens sur mesure pour produire, dialoguer, expérimenter et exposer leurs créations». Nul doute que ses trois ans passés à diriger Paris+ par Art Basel lui ont servi de tremplin.
L’élan de la jeunesse
Tous deux nés en 1981, Guillaume Houzé et Clément Delépine sont faits pour s’entendre, avec ce même bel élan de jeunesse quand il faut se lancer dans les projets. Le premier est tout feu tout flamme, bouillonnant. Le jeune président d’entreprise de l’enseigne centenaire n’avait-il pas osé, en 2018, implanter, dans la cour d’un bâtiment industriel du Marais, une tour d’exposition en verre, signé Rem Koolhass, avec des planchers amovibles reliés à une crémaillère, pour montrer l’art autrement ?. Le second est posé, réfléchi, curieux et très accessible. D’un genre différent, ils partagent la même vision de cet art contemporain qui a changé de paradigme, avec toute une nouvelle génération de collectionneurs et de jeunes galeries dynamiques qui veulent inventer de nouveaux modèles et bouleverser les pratiques.
Clément Delépine, qui a débuté sa carrière au Swiss Institute à New York avant de diriger la Galerie Bortolami, connaît bien ces galeries émergentes, pour avoir codirigé de 2016 à 2021, Paris Internationale, la petite foire off devenue grande en devenant une alternative audacieuse aux modèles traditionnels des foires d’art. Il porte en lui cette nouvelle effervescence urbaine contemporaine et n’hésite pas à donner son point de vue, en écrivant dans Novembre, magazine publié deux fois par an. Il a toujours aussi cultivé ses relations avec les institutions publiques et privées parisiennes. L’effet s’était fait sentir dans le programme VIP de Paris+ par Art Basel, par une programmation culturelle renforcée, la conjoncture d’une ville lumière en ébullition l’y aidant toutefois grandement.
«Diriger Art Basel Paris a été un privilège, et je tiens à exprimer toute ma gratitude à Noah Horowitz et Vincenzo de Bellis et aux équipes
d’Art Basel pour leur confiance et leur soutien», reconnaît Clément Delépine. Mais aujourd’hui, il a une autre histoire à construire dans ce Paris de l’art en plein boom, malgré la conjoncture qui ne s’annonce pas facile. Les paris sont ouverts pour son remplaçant. Le groupe MCH nommera-t-il une tête française, pour diriger cette foire placée sous pavillon suisse qui s’est largement ouvert à l’international en faisant venir de grosses galeries et a laissé sur le carreau quelques ténors français de la profession ? Affaire à suivre.