Panique sur les étagères. Depuis le mois de juillet, les bibliothèques scolaires de l’Alberta, province située dans l’ouest du Canada et dirigée par un parti politique conservateur, font l’objet d’un examen approfondi. Un décret impose de nouvelles normes concernant la sélection et l’accès aux livres présentant un caractère sexuel.
Zélée, l’administration scolaire d’Edmonton, qui regroupe plus de deux cents établissements et sites éducatifs, a ajouté à cette liste des œuvres appartenant à la catégorie des classiques de la littérature anglo-saxonne. Parmi elles, Le meilleur des mondes, le roman d’anticipation d’Aldous Huxley publié en 1932. Ou La Servante écarlate, la dystopie à succès de la lauréate du Booker Prize 2019, Margaret Atwood.
Passer la publicitéLe gouvernement fait machine arrière
Émue par cette annonce, la romancière canadienne a publié, dimanche sur les réseaux sociaux, une courte nouvelle satirique. « Voici un texte que j’ai écrit, adapté aux jeunes de dix-sept ans des écoles albertaines, contrairement à La Servante écarlate. (Désolée, les enfants, votre ministre de l’Éducation pense que vous êtes des bébés stupides) », commence celle qui a vu son œuvre être adaptée en série par HBO.
Dans ce texte, Margaret Atwood invente deux personnages angéliques - « Ils ont grandi, se sont mariés et ont eu cinq enfants parfaits sans jamais avoir de relations sexuelles » - mais irréels, pour mieux dénoncer l’hypocrisie qu’elle perçoit dans la décision du gouvernement albertain.
« Oh, et ils ne sont jamais morts, car qui a envie de s’attarder sur la mort, les cadavres (...) ? Ils ont donc vécu heureux pour toujours », ajoute l’octogénaire, pour qui La Servante écarlate est soudainement « devenue réalité » en Alberta. Son roman publié en 1985 imagine un futur dystopique dans lequel, pour lutter contre une baisse de la natalité, les femmes deviennent esclaves sexuelles d’une classe dirigeante théocratique et rétrograde.
Depuis, le gouvernement a fait machine arrière. Le ministère de l’Éducation, qui évoque un malentendu, a suspendu l’ordre de retirer les livres au contenu sexuel explicite des bibliothèques scolaires. Le temps, précise-t-il, de réécrire le texte officiel. Plus question, visiblement, de toucher aux classiques.
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Le gouvernement de l’Alberta avait engagé cette réforme après des plaintes concernant la présence de romans graphiques aux images licencieuses. Selon la première version du décret, tout ouvrage à caractère sexuel explicite doit être retiré des étagères pour préserver les enfants et adolescents. Quant aux livres où les références sont implicites, ils ne peuvent être consultables que par les lycéens, sous certaines conditions.