Anouk Ricard, reine de la fable animalière décalée, Grand prix du Festival de BD d’Angoulême

Elle ne devait certainement s’y attendre, étant donné la présence écrasante de Catherine Meurisse et Alison Bechdel dans le trio final de la sélection du Grand prix d’Angoulême 2025. C’est avec surprise et joie qu’Anouk Ricard a été sacrée Grand Prix de la ville d’Angoulême, succédant ainsi à la très distinguée Posy Simmonds.

Une belle consécration pour cette quinquagénaire dont l’œuvre cultive autant l’humour que l’autodérision, l’absurde avec quelques envolées surréalistes. Le style d’Anouk Ricard s’inscrit dans la tradition de la fable animalière en BD, remontant ainsi à une tradition initiée par Benjamin Rabier, créateur de La Vache qui rit, de Tintin Lutin et du canard Gédéon.

Née en 1970 dans le Sud de la France, la dessinatrice diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg, où elle se spécialise en illustration, a débuté dans la presse jeunesse avant de poursuivre sa carrière dans la BD en publiant Anna et Froga. Une merveilleuse chronique d’une bande de copains chamailleurs, puis Patti et les fourmis, l’amusante aventure d’une petite fille rapetissée au pays des insectes.

Patti et les fourmis met en scène une petite fille rapetissée au pays des insectes. Anouk Ricard/ Gallimard

Style faussement naïf

«Quand j’ai commencé à démarcher les éditeurs et la presse, je suis arrivée chez Astrapi et Serge Bloch, directeur artistique de Bayard jeunesse, m’a dit : “Ouh là là, tes dessins font limite un peu peur!”», confiait Anouk Ricard au Figaro, en 2023, avant de reconnaître que ses personnages étaient en effet un chouïa monstrueux. «Ma façon de les rendre drôles, c’était de les rendre affreux! J’ai dû m’adapter, faire des trucs mignons». La grenouille semble être l’animal-totem de la dessinatrice, qui parsème son œuvre de batraciens. Une vingtaine d’années plus tard, ses créations continuent de faire le bonheur des publications pour enfants... mais aussi des bédéphiles de tous poils. L’autrice se distingue par son style faussement naïf, ses dialogues réalistes et incisifs qui tranchent avec l’écriture souvent policée des albums pour la jeunesse.

Anouk Ricard alterne travaux d’illustrations (son Petit manuel pour aller sur le pot est un de ses best-sellers!) et bandes dessinées, navigant habilement entre de nombreux éditeurs. Publié en 2008 chez Sarbacane, Commissaire Toumi est sa première BD clairement destinée aux adultes. Mais c’est avec le savoureux Coucous Bouzon, paru chez Gallimard en 2011, qu’elle réalise son album le plus connu. Cette satire désopilante du monde de l’entreprise a séduit les lecteurs et a été sélectionnée en compétition officielle et primée au Festival d’Angoulême, en 2012.

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En 2022, sa dernière BD Animan raconte les aventures d’un homme pouvant se changer en différentes créatures, comme dans la série télévisée américaine Manimal. Si le principe est similaire, Anouk Ricard y ajoute indéniablement son grain de sel absurde et burlesque. Son héros s’appelle Francis. Petit chauve à moustache à la Gérard Jugnot, il vit avec une grenouille. Son ennemi juré, Objecto, peut quant à lui se métamorphoser en n’importe quel objet. L’album est le premier publié chez Exemplaire, une structure alternative qui permet aux auteurs de s’autoéditer.

BD Animan raconte les aventures d’un homme pouvant se changer en différentes créatures, comme dans la série télévisée américaine Manimal. Anouk Ricard/ Exemplaire

Bien qu’elle dessine en numérique depuis le début des années 2000, Anouk Ricard réalise aussi des peintures, dont certaines apparaissent dans ses bandes dessinées. Elle en vend de temps en temps, sous forme d’originaux ou de digigraphies. Lorsqu’elle se saisit d’un pinceau, elle conserve son style faussement naïf et sa ligne claire.

Si elle considère Pierre La Police et Daniel Goossens comme ses mentors spirituels, la dessinatrice suit de très près la nouvelle génération d’auteurs comiques, louant notamment les qualités de Chariospirale, Élodie Shanta et Adrien Yeung. La relève semble déjà bien assurée.