Réarmement de l’Allemagne : Friedrich Merz appelle les députés à être au rendez-vous de l'histoire

Le futur chancelier Friedrich Merz a exhorté jeudi 15 mars 2025 les députés allemands à endosser son «bazooka» d'investissements, jugeant «irresponsable» de retarder le réarmement du pays à un moment où l'Europe veut prendre en main sa sécurité face à des États-Unis devenus imprévisibles.

«Nous sommes peut-être à la veille d'une décision historique majeure pour notre pays», a lancé le chef des conservateurs de la CDU/CSU, en défendant le paquet inédit de plusieurs centaines de milliards d'euros ficelé avec les sociaux-démocrates (SPD), ses probables partenaires dans le prochain gouvernement de la première économie européenne. L'Allemagne doit agir «pour augmenter considérablement (ses) capacité de défense, et ce rapidement (...) tout retard supplémentaire serait irresponsable», a-t-il insisté.

Tournant le dos à des décennies d'orthodoxie budgétaire, les partenaires préconisent un assouplissement des règles d'endettement pour les dépenses militaires et les régions, et un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur 10 ans pour les infrastructures. Son adoption nécessite un amendement à la constitution et donc un vote à la majorité des deux tiers. Mais les Verts, dont les voix sont indispensables, refusent à ce stade de l'endosser, déplorant l'absence d'une révision globale du «frein à l'endettement» et de réformes plus structurelles sur la sécurité et la protection du climat.

Le monde regarde l’Allemagne

En cas d'échec, Friedrich Merz, 69 ans, loué à l'étranger pour son audace et sa main tendue à l'Europe en matière de défense, se verrait sérieusement freiné dans son élan. «Le monde entier regarde (...) vers l'Allemagne, nous avons dans l'Union européenne et dans le monde une tâche qui va bien au-delà des frontières de notre propre pays», a-t-il fait valoir. «Le virage stratégique des États-Unis  et le rapprochement de Donald Trump avec la Russie imposent à l'Europe de prendre sa sécurité en main et d'augmenter considérablement les dépenses militaires», a-t-il souligné.

Son partenaire de négociation s’inquiète aussi. Alors que la situation internationale s’est «encore dramatiquement aggravée ces dernières semaines», l’Allemagne doit jouer «un rôle de leader», a plaidé le chef des élus sociaux-démocrates Lars Klingbeil. Le futur chancelier tient à faire adopter les mesures par le parlement actuel. Car lorsque les nouveaux élus du Bundestag se réuniront le 25 mars, les partis des extrêmes de droite et de gauche disposeront d’une minorité de blocage.

Risque de paralysie budgétaire

Les députés se réuniront à nouveau le 18 mars pour voter sur le texte. Puis le Bundesrat, qui représente les régions, devra aussi l'adopter. En cas d'échec, le risque est grand de replonger dans l'état de paralysie budgétaire qui a caractérisé le gouvernement sortant d'Olaf Scholz avec les écologistes et le FDP, soulignent des observateurs.

L'Allemagne, qui a déjà enchaîné deux récessions, doit aussi réformer son modèle industriel étouffé par des coûts de l'énergie élevés et la bureaucratie, le tout dans un contexte tendu alors que Washington vient d'augmenter les droits de douane sur l'acier et l'aluminium européen. L'ancien rival d'Angela Merkel est confronté à un autre obstacle potentiel. L'AfD et la Gauche radicale Die Linke ont déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle pour qu'elle interdise la tenue du vote.

Si rien ne fonctionne comme il le souhaite, il aura toujours des recours pour dégager des capacités budgétaires. Il n'aurait besoin pour cela que d'une majorité simple au Bundestag. Mais dans le pire des cas, un échec «pourrait entraîner aussi peut-être la fin des négociations de coalition», qui débutent en fin d'après midi entre conservateurs et SPD, prévient Der Spiegel. L'objectif de ces négociations, sur la base d'un accord de principe annoncé ce samedi, est de former un nouvel exécutif d'ici le 20 avril.