«Comme je suis superstitieux, je n’ai rien préparé. Cela va être un peu laborieux», s’est excusé dimanche à Los Angeles Jacques Audiard en montant une première fois sur la scène des Golden Globes pour recevoir le trophée du meilleur film en langue étrangère. Son drame musical hispanophone sur un narcotrafiquant effectuant une transition de genre, avait déjà ouvert en fanfare la cérémonie en décrochantla statuette du meilleur second rôle pour Zoe Saldana. Au fil de la soirée, l’escarcelle d’Emilia Perez s’est aussi garnie du trophée de la meilleure chanson pour son hymne El Mal et surtout le prix du meilleur film ou comédie musicale.
Anxieux de nature, Jacques Audiard n’a pas caché le plaisir qu’a suscité cette moisson de victoires. Le cinéaste a confié à l'AFP son soulagement «d'avoir fait le travail». Avec le nombre record de dix nominations aux Golden Globes, Emilia Perez faisait figure de favori. «Quand il y a beaucoup de nominations, on risque toujours d'être déçu», notait Jacques Audiard. «On va pas se voiler la face, ce qui s’est passé ne se produit pas souvent», a-t-il souri. «Ce soir c'est très agréable, c'est très bien. Et puis je suis tellement heureux que Zoe ait reçu un prix.»
«D’une compétition de province à une compétition olympique»
Reste à savoir si ces récompenses serviront de tremplin vers les Oscars, où Netflix, le diffuseur d'Emilia Perez pousse le long-métrage dans toutes les catégories majeures, y compris celle du meilleur film. Les nominations seront annoncées le 17 janvier. Le long-métrage a été sélectionné par la France pour la représenter dans la catégorie meilleur film international et espère décrocher un des cinq créneaux convoités. La France n’a plus gagné depuis trois décennies, lorsque Indochine avait remporté la statuette.
Jacques Audiard avait déjà été nominé dans cette section en 2010, pour son film carcéral Un Prophète. En octobre, il avait confié à l'AFP être «terrifié» par la course aux Oscars pour son dernier film, malgré son expérience précédente. «C'est comme si tu passais d'une compétition de province à une compétition olympique», avait-il expliqué lors d'un entretien à Los Angeles.
Prix du jury à Cannes, Emilia Perez raconte le repentir de Manitas. Un puissant baron mexicain de la drogue, au sommet de la pyramide machiste, qui orchestre sa disparition pour réaliser son aspiration profonde: devenir une femme, Emilia. Enfin libre d'être elle-même, l'ex-criminelle monte une association d'aide aux victimes du narcotrafic. Elle renoue aussi avec sa femme et ses enfants, qui la croient morte, en se faisant passer pour une parente éloignée.
Le palmarès de ces 82e Golden Globes suggère que le rival le plus redoutable d’Emilia Perez sera The Brutalist de Brady Corbet, qui sortira en France le 12 février prochain. Cette vaste fresque de 3h30, avec entracte, sur un architecte survivant de l'Holocauste, qui tente de refaire sa vie aux États-Unis, a remporté un prestigieux tiercé dimanche : meilleur film dramatique, meilleur réalisateur pour Brady Corbet, et meilleur acteur pour Adrien Brody.