Onze mois après son départ de Stellantis, Carlos Tavares en a gros sur le cœur. Retourné vivre dans son Portugal natal, l’ex-dirigeant livre dans son ouvrage Un pilote dans la tempête (Plon) son point de vue sur son départ précipité de la direction du constructeur, la crise européenne de l’automobile et les remous au sein de la société française.
Invité de la matinale de France Inter ce mardi matin, il s’est montré particulièrement inquiet de la concurrence féroce des acteurs chinois sur le marché de l’automobile. Les Chinois, qui «vont bientôt être à 10% de parts de marché», sont «les mieux préparés», et sont «ceux qui travaillent le plus». Pour y faire face, «il faut travailler plus, en travaillant mieux», estime Carlos Tavares.
Passer la publicité«Il ne faut pas expliquer aux Européens qu’ils vont pouvoir garder leur mode de vie, en concurrence avec l’Asie, sans travailler plus», poursuit le dirigeant de 67 ans. Il regrette n’avoir à disposition que «trois heures pour créer de la valeur» sur une journée de dix heures, le reste étant dédié à «combattre la bureaucratie et la technocratie».
Personne ne veut faire des efforts et tout le monde veut croire au mensonge qu’on va être protégé par le gouvernement. Mais quand il n’y a plus de richesse créée, il n’y a plus d’argent dans la caisse...
Carlos Tavares
Carlos Tavares ne mâche pas ses mots envers la réglementation mise en œuvre dans l’Union européenne, qu’il accuse d’être «dogmatique», et directement responsable des suspensions récentes des usines Stellantis à Poissy, Mulhouse et Sochaux. Le Portugais vise notamment l’objectif de ne plus vendre de véhicules thermiques à horizon 2035, même s’il a publiquement appelé Bruxelles à ne pas rétropédaler, estimant que Stellantis avait «investi» et était «prêt», alors que «tous les concurrents ont commencé à pleurer».
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Toujours est-il que la voiture électrique «vaut très cher, ce n’est pas faute d’avoir prévenu». Ce n’est pas la responsabilité des constructeurs qui, eux, «sont au rendez-vous», estime l’ex-dirigeant de Stellantis. La technologie électrique étant «50% plus chère que la technologie conventionnelle», il était naturel que «la classe moyenne n’allait pas être capable de la payer». Résultat, l’Europe a «ouvert un boulevard» aux constructeurs chinois.
Patron, un métier «extrêmement risqué»
Carlos Tavares avait déjà abordé la thématique du travail dans une interview donnée au Point le 16 octobre dernier. Il s’était montré sceptique quant à la capacité de la France à sortir de la crise actuelle, marquée par l’instabilité politique et l’incertitude budgétaire. «Est-ce que la France peut se réformer sans violence ? Je ne suis pas sûr, glisse-t-il. Personne ne veut faire des efforts et tout le monde veut croire au mensonge qu’on va être protégé par le gouvernement. Mais quand il n’y a plus de richesse créée, il n’y a plus d’argent dans la caisse...»
L’ex-dirigeant voit dans la France une société «décadente qui a oublié la valeur du travail». Il souligne que «cela va mal se terminer» et évoque même le spectre d’une «guerre civile» : «Soit avec la misère, c’est-à-dire qu’on va arrêter de créer de la richesse et donc il n’y a plus de TVA, plus d’impôts. Soit c’est la guerre civile. Ceux qui veulent encore faire quelque chose pour leur vie et leur famille vont s’opposer à ceux qui ne veulent pas que les choses se fassent.»
Passer la publicitéDans son livre, Carlos Tavares évoque également sa rémunération chez Stellantis, son indemnité de départ de 35 millions d’euros et son statut de «patron le mieux payé de France». Soulignant que «patron est un métier extrêmement risqué», il affirme que les Portugais le «félicitent d’avoir fait une belle carrière et d’avoir été bien payé». Et de s’interroger : «Pourquoi acceptons-nous qu’un joueur de foot gagne 100 millions par an, mais pas qu’un patron en perçoive 20 ?»