Aides publiques aux entreprises : pour Bruno Le Maire c’est juste « redonner d’une main ce que l’État a pris de l’autre »

Est-ce l’ex ministre de l’Économie d’Emmanuel Macron qui parlait ou un futur candidat ? Difficile de trancher tant Bruno Le Maire, auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur les aides publiques aux entreprises, a décrit combien tout va mal depuis… qu’il a quitté le gouvernement. De la pandémie jusqu’à 2023, il égrène la liste des impôts et taxes supprimés, une pente stoppée depuis en 2024, affirme-t-il. Résultat, « des ouvertures d’usines divisées par deux ».

Les aides, explique l’ancien ministre, désormais conseiller spécial d’une entreprise de semi-conducteurs hollandaise, et qui se dit « très heureux dans sa nouvelle vie » loin de la politique, « c’est l’État qui redonne d’une main ce qu’il a pris de l’autre, des prélèvements obligatoires confiscatoires », des « compensations de charges, de taxes excessives c’est exactement l’avis du patronat, auditionné au même endroit quelques semaines auparavant.

Refonder le modèle économique

Contre une « politique de Shadoks », Bruno Le Maire propose de « réduire la dépense publique inefficace, refonder le modèle économique et social de la France ». Ce n’est pas vraiment ce qui lui était demandé, mais plutôt d’interroger l’efficacité des aides publiques. Il prend l’exemple de la restauration où « la TVA réduite a redonné de l’air au secteur ».

Pas le meilleur exemple à donner, selon une étude de l’Institut des politiques publiques qui concluait que la mesure a surtout profité aux restaurateurs, qui ont capté 55,7 % des gains réalisés, et permis d’augmenter de 24 % leur bénéfice. Les salariés n’ont eux bénéficié que de 18,6 % de la baisse, et les clients une ristourne de moins de 2 % sur leur assiette.

Sorti du gouvernement, l’ex ministre a toutefois retrouvé une parole plus libre, et admet aujourd’hui que « la mondialisation heureuse est terminée, si tant est qu’elle avait commencé, la mondialisation cannibale a commencé ». « Je propose de ne pas nous laisser dévorer tout cru », poursuit-il, plaidant pour accélérer les investissements en matière de décarbonation de notre économie, décarbonation « qui n’est pas rentable à ce jour sans aides (…) il faut remettre en cause le dogme de la libre concurrence, il nous faut une protection contre la concurrence déloyale de la Chine ».

Sauf que « le drame c’est que les décisions dans l’UE sont trop lentes, là où les USA décident en trois jours, l’UE met trois ans. Or nous avons tout pour nous défendre, les tarifs douaniers, etc. tous les instruments juridiques européens sont là ».

Lutter contre les surcapacités chinoises ?

Et la Chine, c’est l’acier. Alors, « il faut tout faire pour le maintien d’Arcelor à Dunkerque, c’est vital pour la France et la sidérurgie européenne » appuie l’ex ministre. La bonne solution selon lui, « c’est de lutter contre les surcapacités chinoises, sous forme de limitation du volume d’acier chinois déversé dans l’UE, et qui arrive à bas prix en raison des barrières tarifaires prises par Trump aux USA.

Le même Bruno Le Maire écarte cependant une politique tarifaire identique dans l’Union européenne, car ces barrières, « c’est une ligne Maginot, sans limitation drastique l’acier chinois rentrera de toute manière par un dumping sur les prix ». Tout faire pour Arcelor, « quitte à nationaliser ? » lui demande le président de la commission Olivier Rietmann. Mouvement de recul de Bruno Le Maire : la nationalisation doit être « temporaire et de dernier recours – je l’ai fait pour les chantiers de l’Atlantique.

Ne donnons pas l’illusion que l’État pourrait être gestionnaire d’un site de sidérurgie, c’est juste un outil pour aller d’un investisseur à un autre ». Une autre illustration du tour de passe-passe libéral habituel ; socialiser les pertes et privatiser les bénéfices.

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