Pas-de-Calais : la communauté traditionaliste de Riaumont face à un premier procès
Un ancien responsable de la communauté catholique traditionaliste de Riaumont, à Liévin (Pas-de-Calais) doit être jugé ce mardi à Béthune pour consultation de pédopornographie, un premier procès concernant cet ancien «village d'enfants» au cœur de plusieurs autres enquêtes. Âgé de 61 ans, l'ancien prieur de Riaumont doit comparaître ce mardi après-midi devant le tribunal correctionnel de Béthune pour des «faits de consultation habituelle en ligne, d'acquisition ou détention d'images pédopornographiques» à Liévin de 2012 à 2017, selon le parquet.
L'avocat du prévenu n'était pas joignable et la communauté n'a pas souhaité s'exprimer sur ce dossier. L'homme est aussi mis en examen dans deux autres affaires: l'une concerne des faits de maltraitance d'enfants pensionnaires de Riaumont, et l'autre un viol au sein de l'institution, une affaire dans laquelle il est poursuivi pour «non-dénonciation de crime». Concernant le volet des violences sur mineurs, le parquet de Béthune a récemment requis la tenue d'un autre procès contre l'ancien prieur et cinq autres religieux de Riaumont.
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Les faits qui leurs sont reprochés sont «des violences sans incapacité», a fait valoir auprès de l'AFP Me Myriam Mayel, avocate des cinq autres religieux poursuivis dans ce dossier. Ces cas de maltraitance se sont étalés de 2007 à 2019, les périodes variant d'un mis en cause à l'autre. Il s'agit de «gifles, coups, punitions dégradantes» envers «plusieurs dizaines» d'enfants au total, a précisé à l'AFP le procureur de Béthune, Etienne Thieffry. Deux autres encadrants de Riaumont sont mis en examen pour agressions sexuelles. Une information judiciaire sur ce volet est toujours en cours, comme pour l'affaire de viol, dans laquelle l'auteur présumé était mineur au moment des faits.
«Riaumont a perdu en 1982 son agrément pour enfants placés»
Selon des témoins et anciens pensionnaires interrogés par l'AFP, d'autres faits graves se sont produits derrière les murs d'inspiration médiévale de Riaumont, qui se présente sur son site comme une «citadelle de l'espérance». Mais ces faits sont désormais prescrits. L'un d'eux, Bruno Raout, 62 ans, a mis des années avant de témoigner d'agressions sexuelles commises par un jeune religieux, qui lui a «pourri la vie». Juchée sur une vaste colline boisée près de Lens, Riaumont a démarré dans les années 1960 comme foyer d'accueil pour enfants placés par les services sociaux, aux côtés d'enfants envoyés par des familles traditionalistes.
Les premiers étaient des «esclaves» tandis que les seconds étaient «bien vus» par l'encadrement, affirme Charline Delporte, présidente de l'association Centre national d'accompagnement familial face à l'emprise sectaire (Caffes), qui suit le dossier Riaumont depuis 30 ans. Après de premières remontées de sévices, Riaumont a perdu en 1982 son agrément pour enfants placés. Mais la communauté a ensuite lancé une école privée hors contrat, qui n'a fermé qu'en 2019 sur décision administrative, après les révélations des mises en examen. En janvier, la préfecture du Pas-de-Calais a par ailleurs interdit à la communauté d'accueillir des séjours de scouts cette année.
Le père Christophe Gapais, 61 ans, le nouveau prieur de la communauté, assure qu'il n'y avait pas de «violence institutionnalisée» à Riaumont. Selon lui, «la force doit parfois être employée», pas pour «écraser» mais pour «faire progresser». «Loin de nous (l'idée) de nier qu'il y ait eu des abus, qu'il y ait eu des souffrances», reconnaît néanmoins ce religieux. L'institution a porté plainte pour diffamation en février, après la diffusion sur Arte d'un documentaire «Les enfants martyrs de Riaumont», d'Ixchel Delaporte et Rémi Bénichou. Selon l'avocat de Riaumont, Me Octave Nitkowski, la plainte dénonce «un film à charge» dépeignant l'institution avec une «philosophie» qui serait «l'extrême droite, la pédophilie et le sadisme». «On les accuse de choses qui sont fondamentalement opposées à leur charité chrétienne», défend-il. À la justice de trancher.