REPORTAGE. "Même les fascistes ne faisaient pas ça" : dans la ville russe de Belgorod, des habitants révoltés contre les frappes ukrainiennes quasi quotidiennes
En Russie, la ville de Belgorod est désormais visée presque quotidiennement par l'armée ukrainienne. Depuis le début de la guerre, près d'une centaine de civils russes sont morts lors de bombardements dans cette région russe frontalière. Mais les frappes s'intensifient, la plus meurtrière d'entre elles ayant eu lieu le 30 décembre dernier : 25 morts et plus d'une centaine de blessés après des tirs de roquettes qui sont tombées sur une place centrale de cette ville de 350 000 habitants. Des habitants qui vivent dans la peur désormais, et dont certains se sentent abandonnés par Moscou.
Pour beaucoup d'habitants de Belgorod, la journée commence dorénavant avec la voix du gouverneur Vyacheslav Gladkov qui, tous les matins sur les réseaux sociaux, énumère les attaques de la nuit sur la région. Dans le centre-ville on démonte le marché de Noël, où des centaines de personnes se trouvaient le 30 décembre dernier. Igor et sa femme viennent déposer des fleurs sur le mémorial improvisé de l'autre côté de la rue. "On ne pensait pas qu'une telle chose puisse arriver dans une ville paisible. Il n'y a pas de militaires. Bombarder des civils, nous ne pouvons pas imaginer que ce soit possible. Même les fascistes ne faisaient pas ça."
Un sentiment d'abandon
La frontière a beau n'être qu'à une trentaine de kilomètres, pour beaucoup la guerre n'est devenue réelle qu'il y a moins de deux semaines. Karina, une professeure, est scandalisée par ce bombardement ukrainien, déloyal selon elle. "Je crois que les nôtres ne visent pas les civils. C'est effrayant, ce n'est pas bien. Bombarder une usine d'armement est une chose, mais viser une place centrale en sachant que les enfants sont en vacances et s'y promènent, c'est ignoble."
Les habitants de Belgorod ont peur et, chose rare en Russie, le disent ouvertement. Certains ont même fui la ville fin décembre comme Oleg, patron d'un restaurant. "J'avais promis à ma femme que nous partirions dès que les premières roquettes arriveraient, raconte-t-il. Non seulement elles sont arrivées, mais nous les avons vues au-dessus de nous et nous avons miraculeusement survécu."
"Évidemment nous avons fait nos valises. J'ai une femme enceinte, je ne peux pas la mettre en danger."
Oleg, patron d'un restaurantà franceinfo
Oleg a recouvert les vitres de son restaurant de lourds panneaux de bois, d'autres habitants mettent des coussins sur leurs fenêtres.
Beaucoup se sentent abandonnés par le pouvoir moscovite comme Anastasia, une étudiante. "Lors du discours du Nouvel An de Vladimir Poutine, beaucoup se sont offusqués qu'il n'ait pas un mot pour Belgorod alors que les événements s'étaient déroulés juste avant. Comment ne pouvait-on pas en parler ? C'est absolument incompréhensible." À chaque nouveau raid de l'armée russe sur l'Ukraine, les habitants de Belgorod se terrent chez eux, craignant la réplique.