Yémen : pourquoi Donald Trump aura du mal à affaiblir les Houthis
Les États-Unis ont lancé des frappes aériennes sur plusieurs cibles à travers le Yémen dans la nuit de mardi 18 à mercredi 19 mars, ont rapporté mercredi les médias houthis. Ils ont notamment visé la ville portuaire de Hodeïdah et la province de Saada, bastion majeur des Houthis.
Après avoir combattu pendant des années dans les montagnes arides du Yémen et survécu à des milliers de frappes aériennes, et malgré les frappes meurtrières annoncées samedi par le président Donald Trump, ces rebelles aguerris et soutenus par l'Iran continuent d'afficher une position de défi.
"La capacité des Houthis à résister tient au fait que leurs armes sont dispersées à travers les terrains montagneux du Yémen, compliquant les efforts de ciblage", écrit Alex Plitsas sur le site du groupe de réflexion Atlantic Council.
Venus du nord du Yémen, les Houthis se sont emparés de vastes pans de territoire et sont devenus une organisation armée puissante grâce à un soutien étranger, notamment de l'Iran et du Hezbollah libanais, selon un rapport de l'ONU publié fin 2024.
Depuis l'intervention en 2015 de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite appuyant le gouvernement yéménite, incluant aussi les Émirats arabes unis, les Houthis ont été la cible de plus de 25 000 raids aériens, souligne Elizabeth Kendall, directrice du Girton College à l'Université de Cambridge, les qualifiant de "combattants résilients".
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Manque de renseignement
Issus de la minorité zaïdite, une branche de l'islam chiite, les Houthis avaient poussé l'Arabie saoudite à engager des négociations avant le début de la guerre à Gaza le 7 octobre 2023, qui a mis fin au processus. L'an passé, ils ont été ciblés par des frappes américaines, britanniques et israéliennes.
Les opérations américaines visent à neutraliser les menaces des Houthis en mer Rouge, une zone maritime essentielle pour le commerce mondial.
Les Houthis disent viser les navires liés à Israël en solidarité avec les Palestiniens, dans le contexte de la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023.
Washington a intensifié la pression sur l'Iran et ses alliés, imposant des sanctions aux leaders des Houthis et en désignant le groupe comme organisation terroriste.
Mais il sera difficile de détruire un mouvement qui contrôle un territoire représentant environ vingt fois la taille du Liban et 500 fois celle de Gaza, poursuit Elizabeth Kendall.
Si les opérations de renseignement ont contribué à affaiblir le Hamas et le Hezbollah, deux autres alliés de l'Iran, les Houthis n'étaient pas prioritaires en termes de collection d'informations, souligne Fabian Hinz, de l'Institut international d'études stratégiques (IISS), basé à Londres.
La lutte contre le Hezbollah et le Hamas a impliqué une offensive terrestre israélienne et un renseignement approfondi, dit Fabian Hinz. "Cela ne va pas arriver au Yémen. Les Américains ne vont pas envoyer de troupes au sol", ajoute-t-il.
Les frappes de samedi au Yémen ont fait 53 morts et 98 blessés selon les rebelles, qui ont affirmé avoir riposté en menant trois attaques contre un porte-avions américain en mer Rouge.
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Vaste campagne de recrutement
Selon Fabian Hinz, Téhéran a joué un rôle clé dans le renforcement des capacités militaires des Houthis, qui disposent de missiles balistiques et de croisière avec des portées allant jusqu'à 2 000 kilomètres, et des drones pouvant aller encore plus loin. Si leurs attaques sont souvent contrées, "il y a toujours une possibilité" qu'une attaque touche sa cible, prévient-il.
S'ils ne font pas le poids face à la puissance militaire américaine, ils "peuvent tirer profit de la nature asymétrique du conflit", souligne Elizabeth Kendall.
Et selon le rapport de l'ONU, les rebelles ont mené un vaste projet de recrutement, passant d'une force de 220 000 hommes en 2022 à 350 000 à la mi-2024.
"Le simple fait de continuer à lancer des missiles et des drones en mer Rouge, aussi primitifs soient-ils, perturbera le commerce maritime mondial et la liberté de navigation", dit-elle.
Pour Maged al-Madhaji, cofondateur du Sanaa Centre for Strategic Studies, le seul moyen d'affaiblir significativement les rebelles est de les priver de leur accès à la mer Rouge, principale porte d'entrée des armes et des financements.
Une campagne aérienne à elle seule "ne sera pas une menace existentielle pour les Houthis", estime-t-il.
Avec AFP