Y a-t-il trop de commandes tactiles dans l’habitacle des voitures ?

«J’ai acheté une voiture, pas un téléphone. J’ai bien dit une voiture». Voilà le commentaire qu’Andreas Mindt, responsable du design de Volkswagen a reçu de la part d’un client de la marque. Le sous texte : «je n’en peux plus d’être collé aux écrans dans ma voiture».

Car si l’on regarde de près la dernière voiture présentée par Volkswagen le 5 mars dernier (la ID. EVERY1), un paramètre saute vite aux yeux. Tout le design de la voiture, «épuré et moderne», est centré autour d’un grand écran tactile. Quinze pouces pour ce qui est de la taille, l’équivalent d’un généreux ordinateur portable.

De quoi utiliser le système de navigation GPS, différents paramètres multimédias (radio, musique, connectivité avec smartphones via Apple CarPlay ou Android Auto), consulter les réglages avancés du véhicule (mode de conduite, gestion énergétique, etc.), les informations liées à la batterie et à l’autonomie, ou encore les options de personnalisation et mises à jour logicielles. De quoi surtout donner le tournis à ce fameux client de Volkswagen.

Un tournant impulsé par Tesla

Un tournis né dans les années 2010, époque précise où l’on peut dater la véritable explosion des écrans tactiles dans les voitures. Souvenez-vous, les smartphones et tablettes devenaient monnaies courantes. La plupart des constructeurs étaient alors déjà équipés d’un système d’info divertissement dans leurs véhicules, avec un écran, qu’il soit tactile ou à molette.

Mais une entreprise souhaite profiter de l’essor de nouvelles technologies pour repousser les limites : Tesla. En 2012, avec son modèle S, la marque révolutionne la conduite, en proposant un écran tactile central de 17 pouces dans l’habitacle.

Peu à peu, cela pousse les autres fabricants à adopter cette technologie. En 2019, selon les données d’IHS Markit, un cabinet de conseil américain, 82% des véhicules neufs vendus aux États-Unis étaient équipés d’un écran tactile (contre 53% en 2014). Et cette adoption massive semble alors marquer une évolution irréversible vers des interfaces numériques.

Retour en arrière

Pourtant, malgré la place imposante que prend l’écran tactile dans l’habitacle de la ID. EVERY1 , Volkswagen amorce une véritable contre révolution anti-écran. Pour des fonctions vitales du véhicule, l’entreprise a choisi de revenir aux boutons physiques. En dessous de la tablette centrale, il y aura donc une série de boutons pour le volume, la température, la ventilation et les feux de détresse. Le physique plutôt que du numérique.

Le client de Volkswagen cité plus haut peut enfin souffler, car cette doctrine commence à prendre de l’ampleur, et en réalité trois autres constructeurs s’y étaient déjà mis. L’année dernière, Ha Hak-soo, vice-président de Hyundai Design North America, déclarait à ce propos : «les gens deviennent stressés, agacés et furieux lorsqu’ils veulent contrôler quelque chose en cas de besoin, mais qu’ils n’y parviennent pas». Autrement dit, parfois les utilisateurs ont besoin d’accéder rapidement à certaines commandes, ce que ne permet pas un écran tactile.

Pour répondre à ce besoin des conducteurs, Hyundai a dévoilé une Ioniq 5 restylisée intégrant plus de commandes physiques. Kia s’engage dans une démarche similaire pour ses futurs modèles, tandis que Xiaomi propose en Chine des accessoires permettant aux clients de personnaliser leur véhicule avec leurs propres boutons physiques.

Le tout tactile, pas idéal pour la sécurité

Il faut dire également qu’à partir de 2026, Euro NCAP (organisme européen d’évaluation de la sécurité des véhicules neufs), modifiera sa grille de notation pour privilégier les boutons physiques aux commandes numériques. Car selon Matthew Avery, directeur du développement stratégique d’Euro NCAP, «la surutilisation des écrans tactiles  est un problème à l’échelle de l’industrie. Ils obligent les conducteurs à quitter la route des yeux et augmentant le risque d’accidents liés à la distraction». 

En 2019, un rapport de l’association américaine des automobilistes et de l’Université de l’Utah, démontrait les risques potentiels liés à l’utilisation des commandes tactiles pendant la conduite. L’étude révèle que les systèmes d’info divertissement modernes augmentent considérablement les risques de distraction au volant. Par exemple selon l’étude, la programmation de la navigation peut prendre jusqu’à 40 secondes, détournant l’attention du conducteur de la route pendant plusieurs centaines de mètres, même à faible vitesse. Après, comme pour toutes choses, tout est question de raisonnabilité dans l’usage...