« Nous souhaitons que notre public connaisse notre position ». Dans une longue tribune partagée dimanche 10 août sur ses réseaux sociaux et sur son site web, le groupe U2 s’est exprimé pour la première fois au sujet de la guerre dans la bande de Gaza. « Tout le monde est depuis longtemps horrifié par ce qu’il s’y passe, mais le blocage de l’aide humanitaire et les plans actuels visant à prendre le contrôle de la ville ont fait basculer le conflit dans une zone inconnue », ont déclaré Bono, The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen Jr, les quatre membres de la formation irlandaise.
Les musiciens originaires de Dublin condamnent notamment les récentes déclarations du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui a soutenu le 7 août dernier vouloir « prendre le contrôle de l’ensemble de Gaza [...] dans le but d’assurer la sécurité [de l’État hébreu] et d’éliminer le Hamas ». « Si Israël décide de coloniser la bande de Gaza, cela anéantira définitivement toute possibilité de paix durable ou de résolution des hostilités », s’est insurgé Adam Clayton, le bassiste de U2.
Passer la publicité« Le Hamas n’est pas le peuple palestinien »
Le leader du groupe Bono a évoqué sa douleur face aux «images d’enfants palestiniens affamés ». Et se souvient : « [Elles] m’ont rappelé un voyage professionnel que ma femme Ali et moi avons effectué, il y a quarante ans, dans un centre alimentaire en Éthiopie, après la participation de U2 au Live Aid 1985. Une autre famine provoquée par l’homme. » Et le fondateur de ONE, une ONG luttant contre le sida et l’extrême pauvreté en Afrique, d’ajouter : « J’espérais qu’Israël reviendrait à la raison. Je trouvais des excuses à un peuple marqué et façonné par l’expérience de l’Holocauste [...] qui comprenait que la menace d’extermination n’était pas simplement une crainte, mais une réalité. »
Ne voyez-vous pas que plus cela dure, plus Israël risque de s’isoler ?
The Edge
Le chanteur de 65 ans, favorable à une solution à deux États, dit avoir « compris que le Hamas n’est pas le peuple palestinien, un peuple qui subit et continue de subir depuis des années ». Il s’en prend aussi à Benyamin Netanyahou qui « mérite la condamnation catégorique et sans équivoque » du groupe irlandais. Son ami The Edge enchérit avec un message acerbe à destination du Premier ministre israélien : « Ne voyez-vous pas que plus cela dure, plus Israël risque de s’isoler, d’être considéré non pas comme un refuge contre la persécution, mais comme un État qui, lorsqu’il est provoqué, persécute systématiquement la population civile voisine ? »
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Écouter les Juifs
Le groupe estime alors que le gouvernement israélien est tombé dans « un piège » après les « actes diaboliques » du 7 octobre 2023 lors du festival de musique Tribe of Nova où des Israéliens ont été massacrés. « [Le Hamas a] tendu un piège diabolique à Israël qui a déclenché une guerre, constate U2. Les dirigeants du Hamas étaient prêts à faire ce pari avec la vie de deux millions de Palestiniens pour semer les graines d’une intifada mondiale que U2 avait entrevue à Paris lors de l’attaque du Bataclan en 2015. »
« À quoi s’attendait le Hamas lorsqu’il a commis des meurtres de masse et pris des otages ?, s’interroge le batteur Larry Mullen Jr. Après ces attaques, la destruction totale du Hamas a été réclamée par Israël et ses alliés, et était attendue. » Avant d’ajouter : « Une guerre terrestre était prévisible. La destruction aveugle de la plupart des maisons et des hôpitaux à Gaza, avec une majorité de femmes et d’enfants parmi les victimes, n’était pas prévisible. »
Nous savons par notre propre expérience en Irlande que la paix ne s’obtient pas par la domination
U2
Au terme de cette longue tribune, Bono exige du gouvernement israélien d’écouter la voix « des Juifs qui craignent les dommages causés au judaïsme ainsi qu’aux voisins d’Israël » après cette guerre. Ils étaient encore une centaine de milliers à manifester cette semaine dans les rues de Tel-Aviv pour réclamer la fin des combats. Le groupe se dit aussi « solidaire du peuple palestinien qui recherche sincèrement une voie vers la paix et la coexistence avec Israël ». « Nous savons par notre propre expérience en Irlande que la paix ne s’obtient pas par la domination », conclut-il.