Du néolibéralisme au national capitalisme

Le néolibéralisme à la Milton Friedman s’est imposé progressivement à la fin du XXe et au début du XXIe siècle comme le dogme économique dominant. Il a engendré un démantèlement systématique des protections sociales, des services publics et des régulations économiques, au nom du libre marché. Sous prétexte d’efficacité et de modernisation, il cherche à privatiser l’éducation, la santé, l’énergie et les infrastructures essentielles, tout en concentrant l’appareil de production entre les mains de quelques oligarques, provoquant ainsi des crises financières, dont celle de 2008.

Cette destruction n’a pas été accidentelle, car elle visait à affaiblir la capacité des États à protéger les citoyens, tout en ouvrant de nouveaux marchés juteux au capital privé. Elle a également préparé le terrain pour un virage vers une gouvernance autoritaire, que je qualifie de néolibéralisme factieux1, où l’État devient l’allié exclusif du capital, chargé de réprimer les résistances populaires.

Aujourd’hui, face à l’explosion des inégalités, aux tensions sociales croissantes et à la généralisation de la crise systémique, le capitalisme ne peut plus se contenter du néolibéralisme. Il lui faut une nouvelle stratégie : associer une économie ultralibérale à un pouvoir ouvertement fascisant et nationaliste, pour imposer ses règles par la force plutôt que par le consentement. Ainsi, une nouvelle phase du capitalisme se dessine : le national capitalisme, qui conjugue un néolibéralisme économique agressif et un autoritarisme étatique croissant.

Contrairement au fascisme historique, qui reposait sur un contrôle plus direct de l’économie par l’État, le national capitalisme entend privilégier une fusion entre le pouvoir étatique et les grandes entreprises multinationales se traduisant par :

Une dérégulation économique radicale au profit des multinationales et des milliardaires (comme en témoigne l’ascension d’Elon Musk et ses émules, figure du capitalisme techno autoritaire).

Une répression accrue des mouvements sociaux (grèves criminalisées, surveillance de masse, chômage de masse, etc.).

Un discours xénophobe et identitaire utilisé pour détourner l’attention des causes réelles des crises (attaque contre les immigrés, politiques anti-LGBTQ +, restriction du droit à l’avortement, etc.).

Une militarisation croissante de l’économie et des sociétés, avec un retour au protectionnisme économique et une expansion des industries de la défense et de la surveillance.

Mais le national-capitalisme ne s’en tient pas là : il renoue également avec des logiques néocoloniales, adaptées aux réalités contemporaines. Sous couvert de défense de la civilisation, de lutte contre le terrorisme ou de protection des intérêts nationaux, les puissances occidentales poursuivent une domination économique et politique sur des territoires stratégiques.

Gaza : Un laboratoire du néocolonialisme militarisé génocidaire, où l’économie de guerre, l’élimination physique, la banalisation de l’enfermement, la déportation de masse au profit du capitalisme factieux étasunien et israélien sont testées.

Nouméa : Une répression coloniale persistante pour maintenir le contrôle sur des ressources stratégiques (nickel, terres rares).

Afrique : Exploitation continue des matières premières sous couvert d’aides au développement, présence militaire accrue pour protéger les intérêts des multinationales.

Sous couvert d’un discours sur la « liberté absolue », le national-capitalisme prône en réalité une destruction systématique des structures de solidarité collective. Cette idéologie, cherche à supprimer toute régulation sociale et économique au nom d’une prétendue émancipation individuelle. Mais cette conception fallacieuse de la liberté cache une réalité bien plus sombre : une société où les plus puissants sont affranchis de toute contrainte tandis que les plus vulnérables sont livrés à eux-mêmes.

Loin d’être un idéal de progrès, cette « liberté absolue » dont de réclame le national-capitalisme, alors que l’individu lui-même devient une simple marchandise, est un privilège réservé à une minorité.

Une question mérite alors d’être posée : jusqu’où cette logique peut-elle aller ? Devra-t-on abolir toutes les règles communes sous prétexte de laisser chacun agir à sa guise ? Faudra-t-il supprimer les feux tricolores sous prétexte que chacun devrait être libre de circuler comme il l’entend ? Faudra-t-il armer chaque citoyen, à la manière des États-Unis, au nom d’une « liberté » de se défendre soi-même, quitte à transformer la société en une jungle où règne la loi du plus fort ?

Cette illusion d’une liberté sans limites est en réalité une prime donnée à la mort sur la vie, au chaos sur l’harmonie collective. Une véritable liberté ne peut exister que si elle respecte celle des autres, et c’est précisément ce que rejette le national capitalisme en dissolvant toute forme de régulation, de protection sociale et de respect de la souveraineté des peuples.

Dans ce modèle, contrairement à la rhétorique mensongère de ceux qui s’affairent à l’incarner, l’État ne disparaît pas ; il se transforme en instrument direct des élites économiques. Il ne joue en aucun cas un rôle d’arbitre au service du bien commun, mais devient plus que jamais le gestionnaire exclusif des intérêts privés. Parallèlement, les technologies de surveillance, alimentées par l’intelligence artificielle et les algorithmes prédictifs, instaurent un contrôle permanent des populations. Ce paradoxe est frappant : tandis que l’individu est censé jouir d’une « liberté totale », il est en réalité soumis à une surveillance constante, où chacun de ses faits et gestes est analysé, exploité et monétisé par des multinationales et des États alliés au capitalisme de surveillance. Cette dynamique ouvre un champ de contrôle inédit, qui montre clairement que le national capitalisme ne cherche pas à émanciper les individus : il vise au contraire à les isoler, à les atomiser, à les priver de toute forme de résistance collective, tout en les maintenant sous une surveillance accrue. Nous sommes donc face à une contradiction fondamentale : une idéologie qui prône la liberté mais qui, dans les faits, prépare un totalitarisme où seul le capital est souverain.

___________________

  1. Terre du bien commun ou néolibéralisme factieux, une approche écomunsite, André Prone, éditions Spinelle 2025. ↩︎

Avant de partir, une dernière chose…

Contrairement à 90% des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :

  • nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
  • nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.

L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.
Je veux en savoir plus