REPORTAGE. "Des snipers tirent sur tout ce qui bouge" : en Cisjordanie, le camp de réfugiés de Jénine plus que jamais sous pression de l'armée israélienne

L'accord entre Israël et le Hamas est très incertain. Six nouveaux otages israéliens doivent être libérés samedi 22 février par le groupe islamiste. Mais le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré vendredi que le Hamas avait commis une "violation cruelle" du cessez-le-feu en ne rendant pas la dépouille de l'otage Shiri Bibas. L'un des quatre corps remis à Israël ne correspond à aucun otage enlevé, selon l'armée de l'Etat hébreu. Parallèlement, celle-ci a ouvert un autre front, en Cisjordanie. Il y a un mois, elle a lancé son opération "mur d'acier" en s'attaquant à plusieurs camps de réfugiés, bastions, selon Israël, de la lutte armée palestinienne.

Environ 40 000 personnes ont été déplacées et une quarantaine de personnes sont mortes, dont des femmes et des enfants. Dans le nord de la Cisjordanie, le camp de Jénine est occupé par l'armée israélienne et en grande partie détruit. L'hôpital de la ville reçoit encore des blessés.

Ces derniers jours, l'agitation est retombée dans la salle des urgences de l'hôpital de Jénine. Quelques patients, pour certains blessés pendant l'opération israélienne, sont allongés sur des lits, dans le calme. Ce médecin, qui préfère rester anonyme, peut enfin souffler, mais il n'oubliera pas les premières heures de l'attaque israélienne sur le camp, il y a un mois. "Pendant l'opération, on a reçu plusieurs patients, raconte-t-il. On essayait toujours de leur prodiguer les premiers secours, mais la majorité des gens arrivaient déjà morts à l'hôpital. Il y avait tous types de victimes. Mais la plupart, c’étaient de jeunes hommes."

Aucune date de retrait fixée

D'après ce médecin, huit personnes sont mortes dans cet hôpital lors du premier jour de l'opération, et une trentaine à Jénine en un mois. À l'entrée de l'hôpital, Mohayad fait une pause. Cet ambulancier le sait, même si le camp a été officiellement vidé de ses habitants par l'armée israélienne, il reste encore quelques réfugiés à l'intérieur du camp, cachés et qui ont besoin d'aide. Mais "on ne peut pas entrer dans le camp sans autorisation, déplore-t-il. Alors, on récupère des blessés à l'entrée. Il y a des snipers qui tirent sur tout ce qui bouge."

"Il reste encore quelques personnes à l'intérieur qui n'ont sûrement plus rien. Mais c'est impossible d'entrer sans autorisation."

Mohayad, ambulancier à Jénine

à franceinfo

À quelques dizaines de mètres de l'hôpital, se trouve l'entrée du camp. Deux soldats israéliens se sont accroupis en position de tir, dès qu'un Palestinien approche, ils tirent en l'air. Impossible donc pour Ahmad de rentrer chez lui. Le jeune épicier enrage. Sa maison, ou plutôt ce qu'il en reste, est désormais sous le contrôle de l'armée israélienne. "J'ai mes habitudes là-bas, affirme-t-il. Je m'en fous s'ils ont détruit ma maison. Moi, je ne veux pas partir du camp, je ne peux pas vivre sans le camp."

Devant nous, un camion de l'armée israélienne transportant une énorme citerne entre dans le camp. "J'ai l'impression que s’ils ramènent des réservoirs d'eau, c'est parce que l'armée israélienne va rester longtemps. C'est inquiétant", juge Ahmad. Et effectivement, cela pourrait durer puisque les autorités israéliennes n'ont toujours pas fixé de date de retrait de leurs troupes des camps de réfugiés.