Plus de 80 ONG lancent une vaste campagne pour demander aux États européens d'interdire le commerce avec les colonies israéliennes

Une vaste et inédite coalition de plus de 80 ONG lance lundi 15 septembre la campagne "Stop au commerce avec les colonies", a appris France Inter, pour demander aux États européens d'interdire le commerce avec les colonies israéliennes de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Dans un rapport, elles accusent certaines entreprises européennes de soutenir, de manière directe ou indirecte, l’occupation israélienne qui s'est fortement accélérée ces deux dernières années, en continuant leurs activités dans ces colonies. 

Carrefour France, la société de voyages eDreams-Opodo en Espagne, le groupe allemand TUI, le britannique JCB ou encore Siemens, Maersk et la banque Barclays sont cités pour des partenariats, des transports ou des financements liés aux colonies israéliennes. Les ONG, parmi lesquelles on peut citer Oxfam, Christian Aid, Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme et la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, demandent donc à l'Union européenne et au Royaume-Uni d'interdire tout commerce avec les colonies israéliennes, alors que l'Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël, représentant environ 32 % du commerce total de marchandises, soit environ 42 milliards d’euros par an.  

Une décision de justice de juillet 2024

Actuellement, les produits venant des colonies peuvent être importés en Europe, à condition de ne pas bénéficier des tarifs préférentiels de l’accord UE - Israël. Ces produits doivent en revanche mentionner "produit de Cisjordanie (colonie israélienne)" ou équivalent, d'après un arrêt de la Cour de justice de l'UE en 2019. 
 
Pour appuyer leur demande, les ONG se réfèrent à l’avis de la Cour internationale de justice de l'UE datant de juillet 2024, qui impose aux États de ne pas entretenir de relations économiques renforçant cette occupation. La Cour de justice a "rappelé aux États [...] qu'ils avaient une obligation de n'avoir aucun lien qui soutienne directement ou indirectement les colonies israéliennes, explique Louis-Nicolas Jandeaux, responsable de plaidoyer chez Oxfam, au micro de France Inter. Par conséquent, ces obligations doivent être projetées sur les entreprises dans ces États". "L'objectif, c'est de montrer que le commerce avec les colonies ne concerne pas seulement des acteurs israéliens, mais aussi de très grandes multinationales étrangères qu'on connaît toutes et tous", ajoute le responsable de plaidoyer. 

Carrefour pointée du doigt

Dans le rapport de la coalition d'ONG, une dizaine d'entreprises jugées emblématiques sont citées, sur la base de travaux de l'ONU et d'organisations indépendantes, opérant dans le secteur du transport, du tourisme, de la finance, mais aussi de la distribution alimentaire. En France, Carrefour est pointée du doigt pour avoir signé un accord de franchise en 2022 avec Electra Consumer Products et sa filiale Yenot Bitan, "qui opèrent dans plusieurs magasins dans les colonies illégales", précise Louis-Nicolas Jandeaux. Dans le même temps, Carrefour reçoit "des financements de la part d'une banque israélienne qui est directement impliquée dans l'expansion des colonies, et répertoriée par l'ONU pour son rôle dans la colonisation", ajoute le responsable de plaidoyer chez Oxfam. 
 
Contacté par France Inter, le groupe Carrefour assure que "le contrat de franchise exclut tout magasin dans les territoires occupés". Le groupe français indique par ailleurs n'avoir aucun lien direct avec la banque israélienne Hapoalim ou la startup israélienne Juganu, toutes deux pointées du doigt pour leur rôle dans la colonisation. "Le Groupe Carrefour ne connaît pas ces entreprises et n'a pas de relations contractuelles avec elles", affirme-t-il.  
 
De leur côté, les ONG maintiennent que cette activité économique participe à la colonisation, et soulignent que depuis qu'elles ont informé les entreprises de leurs travaux, quelques-unes comme l'espagnole Opodo-eDreams ou la danoise Maersk ont modifié leurs pratiques vis-à-vis des colonies.