« Quand vous acceptez des fonctions de ministre, vous êtes responsable » : une plainte déposée contre Catherine Vautrin, Yannick Neuder et Élisabeth Borne pour la destruction de l’hôpital public

L’hôpital public doit tenir bon, malgré un manque systémique de moyens financiers et humains. Délégué CGT de l’établissement européen Georges Pompidou, Joran Jamelot déplorait, en juillet 2024 auprès de l’Humanité, « un manque de personnel » et « une dégradation des conditions d’accueil ». Près d’un an plus tard, la situation ne s’est pas arrangée. Pire, une « épidémie de suicides » chez les médecins et soignants endeuille les couloirs des hôpitaux publics.

C’est pourquoi, selon les informations de Radio France et du journal Le Monde, une plainte a été déposée, jeudi 10 avril, devant la Cour de justice de la République (CJR), à l’encontre de trois ministres : Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la santé et des solidarités ; Yannick Neuder, ministre délégué à la Santé et à l’accès aux soins et Élisabeth Borne, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Les dix-neuf requérants dénoncent des faits de « harcèlement moral, d’homicides involontaires et de violences volontaires, ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et mise en danger de la personne ».

« Si la loi était appliquée, pas un seul hôpital ne serait ouvert »

Des infirmiers à la direction, en passant par des services spécialisés (psychiatrie, gynécologie, etc.), une grande partie des corps médicaux touchés sont représentés au sein de ce groupe de requérants, dont la majorité ne se connaissent pas et ne sont pas originaires des mêmes régions. « L’avocate des plaignants, Christelle Mazza, a saisi la CJR dix ans après le suicide du cardiologue Jean-Louis Mégnien, qui s’est défenestré à l’hôpital européen Georges-Pompidou, le 17 décembre 2015 », rappelle Le Monde. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris avait été condamnée à une amende de 50 000 euros pour « harcèlement moral », après huit ans de combat judiciaire.

« En un mot, si la loi était appliquée, pas un seul hôpital ne serait ouvert », résume froidement la plainte déposée auprès de la Cour de Justice de la République. Spécialisée dans la défense des fonctionnaires, l’avocate Christelle Mazza – qui porte cette plainte après avoir passé des années à défendre des agents de la fonction publique hospitalière et des proches de soignants qui se sont suicidés – espère ainsi que la jurisprudence France Télécom sera appliquée.

« À l’époque, et cela avait surpris, on s’était intéressés à l’état-major, et pas directement aux cadres territoriaux, explique-t-elle à Radio France. On est allé chercher la responsabilité des penseurs de la politique managériale. Et c’est exactement la jurisprudence que je réclame dans ce dossier. »

Pour étayer sa plainte, elle évoque un harcèlement moral systémique. L’avocate a interpellé, en mars 2024, Catherine Vautrin sur le risque suicidaire au sein de l’hôpital public, en s’appuyant sur sept situations concrètes. La ministre du Travail, de la santé et des solidarités ne lui a jamais répondu. C’est pourquoi Christelle Mazza a décidé de saisir la justice et – surtout – de s’attaquer au gouvernement. « Quand vous acceptez des fonctions de ministre, vous reprenez les dossiers, donc vous êtes responsable de ce qui a pu se produire et de ce qui se produit », fustige-t-elle.

Aucun des trois ministres mis en cause n’a répondu aux sollicitations des deux médias. La plainte doit maintenant passer un premier filtre à la Cour de Justice de la République, celui de la commission des requêtes. Cette dernière doit ensuite étudier la plainte le 19 juin prochain, afin de déterminer si elle part à l’instruction ou s’arrête en chemin. La réponse de la commission est, elle, attendue à l’automne.

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