Blocages du 10 septembre : naissance et enjeux d’un mouvement viral
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Pour comprendre l’origine de cet appel à la mobilisation, il faut se plonger dans les centaines de messages diffusés sur les réseaux sociaux : TikTok, Facebook, Telegram. Une vidéo en particulier attire l’attention. Elle date du début de l’été et proclame : "Le 10 septembre, on arrête tout, pas pour fuir, pour dire non." Derrière ce clip visionné par des dizaines de milliers d’internautes se trouve un groupe appelé « Les Essentiels ». Sur leur site, on retrouve un discours en faveur d’une « France souveraine », mais aussi des textes aux accents parfois complotistes. Sur la messagerie Telegram, le collectif invite les Français à s’organiser localement. Dans un message daté du 14 mai, apparaît le contact d’un certain Julien Marissiaux.
Dans le Nord, rencontre avec l’un des initiateurs
Pour mieux comprendre les ressorts de cette mobilisation, direction le Nord, à la rencontre de Julien Marissiaux. Père de famille, entrepreneur et gérant d’un café associatif, il explique la philosophie du mouvement : "Il n’y a pas qu’un problème aujourd’hui en France, il y en a plein. Les gens souffrent, ils crient. Certains doivent choisir entre se chauffer et manger. Nous voulons mener des actions qui enrayeraient le système, montrer que nous existons. C’est ce qu’on a vu avec les gilets jaunes. Nous essayons de recréer ces conditions."
Au départ, son initiative peine à mobiliser. Mais fin juillet, le mot d’ordre se diffuse soudainement. Des groupes se forment un peu partout, principalement via Telegram. On y lit des messages comme : "Ce système ne tombera pas tout seul, il faut le renverser." ou encore "Salut, est-ce qu’il y a un groupe pour Dieppe ?"
Le rôle clé des réseaux sociaux
Comment ce mot d’ordre né d’un petit groupe en ligne est-il devenu un mouvement national ? Des experts en veille numérique donnent des éléments de réponse. Chez Backbone Consulting, on analyse en temps réel les conversations publiées sur TikTok, Facebook ou Instagram. Diyar Amlici, consultant, explique : "Nous collectons l’ensemble des messages pour avoir des données très concrètes : le volume, les interactions, mais aussi les thèmes qui émergent."
Un moment charnière est identifié : la présentation du budget par François Bayrou, le 15 juillet. Dans les jours qui suivent, les messages évoquant le 10 septembre explosent. Pour Véronique Reille Soult, présidente de Backbone Consulting :"Les médias ont relayé cette annonce budgétaire, mais sur les réseaux, ce sont les deux jours fériés en question qui ont joué le rôle d’étincelle. Cette convergence touche des profils variés, qu’ils soient apolitiques, de gauche ou de droite."
Entre récupération politique et ancrage local
En août, le mouvement prend encore de l’ampleur avec le soutien de La France Insoumise (LFI). Son discours est repris en ligne, mais les participants semblent se diviser : d’un côté des groupes marqués à gauche, de l’autre des militants arborant drapeaux tricolores ou gilets jaunes.
Sur le terrain, des réunions s’organisent : à Paris, mais aussi dans des petites villes comme Figeac (Lot), où une quarantaine d’habitants se retrouvent régulièrement sur un rond-point. Tous dénoncent les annonces budgétaires, perçues comme "la goutte d’eau qui fait déborder le vase". Certains vont plus loin, espérant même une démission d’Emmanuel Macron.
D’ici au jour J, Internet reste l’outil principal d’organisation. Une carte en ligne recense déjà les lieux de manifestations et de blocages prévus.
Reste une inconnue : la capacité de cette mobilisation, très visible sur les réseaux, à se traduire en un réel mouvement de rue. Les regards seront tournés vers le niveau de participation du 10 septembre, véritable révélateur de la portée de cet appel.