Incendie dans l’Aude et canicule : les pompiers se préparent à lutter contre les feux de forêts cet été

Les étés se suivent et se ressemblent. Ce dimanche 29 juin, le premier gros incendie de la saison s’est déclenché dans l’Aude. Quatre cents hectares de forêt sont partis en fumée, et une centaine de personnes a dû être évacuée, visiblement à cause d’un barbecue mal éteint, transporté sur l’autoroute.

Survenu en plein épisode de canicule précoce, ce premier incendie laisse planer la menace d’un été cauchemardesque à l’image de celui qu’a connu la Gironde en 2022, au cours duquel 66.000 hectares de forêts avaient été consumés. Mais dès le mois de juin dernier, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait anticipé que la sécurité civile et les bombardiers à eau puissent être fortement mobilisés, et de nouveaux moyens, plus performants, sont mis à disposition pour lutter contre la propagation du feu.

Lutter «simultanément» contre trois incendies

En présentant la «stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies» le 5 juin dans les Pyrénées-Orientales, (le département français le plus sec de France et régulièrement victime de feux de forêts), le ministre de l’Intérieur avait notamment présenté un nouvel hélicoptère, Dragon H145, de la sécurité civile. Sa capacité en eau a été augmentée par rapport aux autres modèles, et permet aux sapeurs-pompiers de partir en reconnaissance et analyser l’évolution du feu.

Ce nouvel engin vient compléter une flotte aérienne composée de 12 avions Canadair CL-415, 8 avions gros-porteurs, «essentiellement engagés avec des solutions retardantes» - «le produit rouge» dédié principalement à l’attaque des feux naissants -, de 10 hélicoptères bombardiers d’eau (6 lourds et 4 légers) et de 6 avions bombardiers d’eau légers. Cette liste a été présentée mercredi par le lieutenant-colonel Fabrice Chassagne, chargé de mission feux de forêt à la Direction générale de la Sécurité civile, lors d’une visioconférence sur la prévention des feux.

Bruno Retailleau devant le nouvel hélicoptère H145, à Perpignan, le 5 juin. ED JONES / AFP

Cette armada d’engins aériens devrait permettre de lutter «simultanément» contre trois incendies supérieurs à 500 hectares, promet Fabrice Chassagne. Dans le détail, les hélicoptères vont quadriller le sud de l’Hexagone. Deux hélicoptères lourds seront en réserve et deux hélicoptères légers complémentaires pourront intervenir partout, en fonction des risques ou de la demande. Les six avions bombardiers d’eau légers, eux, disposent d’«une capacité d’import de 3,5 tonnes pour une autonomie de vol de 2h30 environ», a expliqué Fabrice Chassagne. Cette flotte est par ailleurs complétée de 3 avions d’investigation, dont deux peuvent «faire de la captation d’images de vidéos de haute précision et retransmettre ces éléments-là aux intervenants au sol».

Manque de moyens

Si les moyens aériens sont globalement similaires à ceux de l’été 2024, certains éléments diffèrent : «On est en mesure d’engager des avions bombardiers d’eau légers qui seront prépositionnés à Bordeaux un petit peu plus tôt dans la saison», a-t-il indiqué, se félicitant d’une «bonne disponibilité» des avions Canadair par rapport à l’an dernier. En effet, la sécurité civile fait face depuis plusieurs années à un manque de moyens caractérisé par un matériel vieillissant, victime de pannes récurrentes. Au cours de l’été 2024, seulement un quart des avions bombardiers d’eau de type Canadair étaient disponibles en pleine vague de chaleur.

«On a eu des journées où on avait entre 0 et 2 Canadair opérationnels alors qu’on devrait disposer de sept appareils minimum», déclarait Benoît Quennepoix, secrétaire général du syndicat national du personnel de l’aviation civile (SNPAC) à la mi-juillet. Un mois plus tard, il dénonçait toujours que seuls «trois engins» soient opérationnels. Les pannes des engins s’expliquent par un «manque structurel d’effectifs de techniciens de maintenance», alertaient les professionnels du secteur lors d’un mouvement social.

Préparer le terrain

Aux engins aériens s’ajoutent les moyens terrestres. Environ 4000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ainsi que 500 véhicules sont mobilisables par la Sécurité civile dans le cadre du principe de la «solidarité nationale» permettant de les déployer dans les zones concernées, en appui des effectifs déjà sur place. Ils font partie des 250.000 pompiers professionnels et volontaires de France métropolitaine. «Depuis 2019, le nombre de sapeurs-pompiers formés aux feux de forêts est passé de 83.000 à 90.000 en 2024», se réjouit auprès du Figaro Éric Brocardi, commandant et porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

Chaque année, ces hommes se préparent tôt dans l’année, dès le mois de février, à faire face aux flammes. «Ils revoient les bases du terrain : ils s’entraînent à comment employer les engins, à comment ils communiquent entre eux ainsi que leur mise en sécurité, détaille Éric Brocardi. C’est comme le solfège pour le piano.» L’installation du poste de commandement est également revue dans le cadre d’un exercice. Il est considéré comme le «cerveau» de toute opération car il réunit les élus et les hauts gradés. «C’est là que les renseignements sont collectés et que les décisions sont prises», résume-t-il. Au mois de juin, les troupes continuent de répéter avant le début de la haute saison des incendies.

Des conditions météorologiques «favorables»

D’après les prévisions météorologiques, l’été 2025 ne devrait pas connaître de vagues de chaleur et de sécheresse similaires à celles de 2022. «Nous sommes dans une configuration plus favorable car, durant le printemps, il a beaucoup plu dans la moitié sud du pays - zone la plus propice aux feux de forêts notamment en raison de sa végétation très inflammable composée de résineux (pins)», prévoit Régis Crêpet, météorologue à La Chaîne Météo*. Le spécialiste souligne néanmoins que la moitié nord de l’Hexagone connaît une «sécheresse superficielle en raison d’un déficit pluviométrique depuis le mois de mars, en particulier au nord de la Loire». «La France se trouve donc dans une situation inversée», résume-t-il.

Il suffit qu’il fasse très chaud pendant plusieurs jours pour que les sols soient asséchés de nouveau

Régis Crêpet, météorologue

Bien que les nappes phréatiques du Sud soient bien remplies avant l’été, «il suffit qu’il fasse très chaud pendant plusieurs jours pour que les sols soient asséchés de nouveau, augmentant les risques de déclenchement d’incendies», alerte le météorologue. Le risque est donc toujours présent. Dans les Pyrénées-Orientales par exemple, les fortes pluies du mois de mars avaient permis de renflouer les nappes mais un mois plus tard, les sols se trouvaient déjà «en dessous des normales de référence. Un tiers des nappes restent très déficitaires», indique le dernier bulletin publié par la préfecture le 1er mai.

Appui européen

Dans le cas où des incendies importants et incontrôlables se déclaraient sur le territoire cet été ou que de nouveaux Canadairs tombaient en panne, la France pourra toujours faire appel au mécanisme européen de protection civile (MEPC), comme elle l’a fait en 2022. Cette année-là, des sapeurs-pompiers et des engins aériens du Portugal, de l’Italie et de la Grèce avaient notamment été mobilisés en soutien à la France. Un plan européen a d’ailleurs déjà été établi pour l’été 2025, précise Éric Brocardi : «Un bombardier d’eau italien sera prépositionné dans les Bouches-du-Rhône et dans le Var du 1er au 15 juillet. Des Roumains se trouveront dans les Pyrénées-Orientales du 1er au 31 juillet, des Allemands en Gironde du 1er au 15 août, des Slovaques dans l’Hérault du 16 au 31 août et des Grecs du 1er au 15 septembre en Corse.»

Cet appui européen à la France a été renforcé après les incendies de 2022, passant de «500 millions d’euros à 3 milliards d’euros», affirme Grégory Allione, eurodéputé Renaissance en charge de la protection civile européenne et président d’honneur de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Malgré ces avancées, des efforts restent à faire en matière de sensibilisation et de pédagogie auprès de la population, selon Grégory Allione qui rappelle que «la plupart des départs de feu sont d’origine humaine : 30% résultent d’un acte de malveillance quand 70% sont liés à de l’imprudence».

*La Chaîne Météo est une propriété du groupe Figaro.