Fin de vie : Emmanuel Macron annonce un projet de loi en avril pour une «aide à mourir» sous «conditions strictes»

La mort comme ultime «soin» ? À la recherche d’un nouveau modèle français de la fin de vie depuis un an et demi, Emmanuel Macron a finalement tranché. Dans une interview conjointe à La Croix et à Libération, le président de la République dévoile les contours de cette future réforme de société majeure. «Avec ce texte, on regarde la mort en face», plaide-t-il dans les deux quotidiens. Le président de la République annonce l’envoi du projet de loi au Conseil d'État «d'ici huit à dix jours». Puis, il devrait être présenté au conseil des ministres «en avril, pour une première lecture en mai». Comme annoncé, cette loi ne fera pas l’objet d’une procédure accélérée. Son examen devrait donc prendre plus d’un an.

Le chef de l’État précise également les contours de cette «aide à mourir», selon l’expression qui sera retenue dans le texte et qui remplace les mots «suicide assisté» ou «euthanasie». Le président cite un passage du projet de loi pour expliciter sa philosophie : « L'administration de la substance létale est effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n'est pas en mesure d'y procéder physiquement, à sa demande, soit par une personne volontaire qu'elle désigne lorsque aucune contrainte d'ordre technique n'y fait obstacle, soit par le médecin ou l'infirmier qui l'accompagne. » Autrement dit, le nouveau modèle de la fin de vie n'exclut aucune des deux voies. Les patients concernés se verront prescrire un produit létal à s'administrer seul ou avec assistance. Si le texte privilégie le suicide assisté, il pourrait autoriser l’euthanasie effectuée par un soignant ou même par un proche.

Autoriser sans inciter

Le chef de l’État cherche cependant à éviter de donner le sentiment de créer un nouveau droit, largement accessible. Autoriser sans inciter, c’est le difficile équilibre qu’il revendique. «Cette loi, nous l'avons pensée comme une loi de fraternité, une loi qui concilie l'autonomie de l'individu et la solidarité de la nation. En cela, elle ne crée, à proprement parler, ni un droit nouveau ni une liberté, mais elle trace un chemin qui n'existait pas jusqu'alors et qui ouvre la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes», plaide-t-il. Les conditions cumulatives pour accéder à la mort choisie avaient déjà été énoncées par Emmanuel Macron. Il les redit dans cet entretien. L'aide à mourir serait réservée aux Français majeurs, atteints d'une « affection grave et incurable» qui engage (leur) pronostic vital «à court ou moyen terme » et présentant une «souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable » liée à leur maladie. «Ce qui signifie que l'on exclut de cette aide à mourir les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer», insiste le président auprès de La Croix et Libération.

Ce projet de loi apparaît assez proche de celui rédigé sous la houlette de l’ex-ministre au Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, et dont Le Figaro a dévoilé une version de travail en décembre. Il a cependant été corrigé sur un point, la collégialité de la décision. Dans la première version, un médecin pouvait trancher seul. Le président de la République indique que le texte prévoit que ce soit une «équipe médicale» qui examine la demande. Elle devrait «s'assurer que les critères d'accès sont réunis», mais pourrait aussi «demander l'avis de spécialistes et consulter les médecins, psychologues, infirmiers ou aides-soignants qui ont l'habitude d'accompagner la personne». En cas de décision favorable à une «aide à mourir», après un délai «de quinze jours maximum» pour examiner la demande, il reviendrait aussi aux professionnels de santé de définir les «modalités de sa mise en œuvre», dans un «dialogue avec le patient».

Développement des soins palliatifs

Comme annoncé, le chef de l’État confirme enfin que la loi comportera trois parties, dont une sur le développement des soins palliatifs. «Pour ne pas laisser penser que l'on fait l'aide à mourir parce que la société n'est pas capable de prendre soin», pointe Emmanuel Macron. Auparavant, une stratégie décennale de soins palliatifs sera présentée fin mars.

« C'est le moment de le faire, alors nous le ferons », avait promis Emmanuel Macron à Line Renaud, début septembre 2022, en évoquant le combat de la comédienne pour légaliser une « aide active à mourir ». Dans la foulée, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait donné son feu vert à ce changement majeur, en explorant la piste du suicide assisté dans un avis. Une rupture avec l'interdit de tuer qui guide la loi Leonetti-Claeys de 2016.

Depuis ces deux épisodes qui ont sonné le coup d'envoi du débat, le président de la République, d'une prudence de chat, a fait alterner les messages volontaristes et les doutes sur sa volonté de légiférer sur ce sujet épineux.