Le cyclisme est le sport épique par excellence. Le genre épique s'est perdu dans notre modernité sans aventures. Il survit pourtant, comme en un enclos irréductible, comme en un village gaulois résistant, dans le sport cycliste. L'épopée met en scène des hommes qui par l'héroïsme de leurs exploits s'extraient de l'ordinaire humain pour se hisser au niveau des demi-dieux.
Ainsi Bernard Hinault, en ce mémorable 24 avril 1980, remporte-t-il en solitaire, après une longue chevauchée, un Liège-Bastogne-Liège entré dans la légende, sous une tempête de neige, par un froid de loup, les doigts atteints d'engelures, mangés par la mordante bise. Comment en parler autrement que sur le registre de l'épopée ? Solitaire est le juste mot, celui qui souligne la grandeur du champion cycliste. Le cyclisme est un sport d'équipe pour solitaires.
L'idéal du coureur n'y est-il pas de s'échapper ? Le champion s'isole du reste du peloton, cette gangue, du troupeau de sueur et de souffrances, des autres…