Réchauffement climatique et recul de notre souveraineté alimentaire
Gérard Le Puill
En faisant reculer sensiblement la production de fourrages dans les prairies et les champs de maïs destiné à l’ensilage pour la nourriture hivernale du bétail, le climat observé en France au mois de juin fera reculer notre souveraineté alimentaire. Cette évolution inquiétante du climat va s’aggraver considérablement dans les prochaines décennies en raison d’une mondialisation de l’économie orientée vers la seule recherche du profit.
Tandis que dégâts causés par la tempête et les orages de la nuit du 25 du 26 juin apparaît déjà élevé pour l’agriculture, les bulletins météo nous préviennent que le temps chaud et sec repart pour au moins une semaine. A la campagne, mais aussi en ville, les zones en herbe se sont beaucoup asséchées ces dernières semaines. Dans les fermes, on peut penser que le foin récolté en juin est de bonne qualité fourragère. Mais il va falloir l’entamer dès cet été pour nourrir les vaches laitières, les vaches allaitantes, les brebis et les chèvres au lieu d’attendre la seconde moitié de l’automne en raison du retard que prendra la repousse de l’herbe dans les prochaines semaines. Parallèlement, le maïs destiné à l’ensilage pour l’alimentation hivernale des bovins laitiers et allaitants voit déjà sa croissance contrariée par la sécheresse. Cela risque de déboucher sur des baisses importantes des rendements dans de nombreuses zones d’élevage en France de la Bretagne à l’Alsace, de la Normandie aux Pyrénées en passant par l’auvergne.
Le prix de revient du lait va augmenter sensiblement
Le prix de revient de chaque litre de lait de vache, de brebis et de chèvre va croître sensiblement dès à présent et jusqu’au début du printemps 2026 sans que cette hausse des coûts de production soit forcement prise en compte par des entreprises de collecte comme Lactalis et d’autres. Outre le prix de revient en hausse de l’alimentation du bétail sur les prochains mois, les chaleurs du mois de juin ont également mis l’organisme des vaches, des chèvres et des brebis dans un état de stress qui fait décroître la production laitière journalière. Il en va de même concernant la prise de poids journalière chez les animaux à l’engraissement pour la boucherie.
On apprenait tout récemment que l’excédent commercial des produits laitiers français était en recul de 30% et de 586 millions d’euros sur le premier trimestre de 2025 par rapport au même trimestre en 2024. La France importe désormais de plus en plus de beurre dont le prix a beaucoup augmenté ces derniers mois. Ce prix risque encore de croître dans les prochains mois en raison du probable recul de la production laitière, imputable au climat dans plusieurs pays membres de l’Union européenne.
Depuis 2017, date de la première élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, le nombre de vaches laitières et des vaches allaitantes en France a diminué de 10% environ et de plus de 700.000 têtes. Cette décapitalisation a résulté des décisions prises par de nombreux éleveurs de réduire leur cheptel pour éviter de trop s’endetter. Mais elle a durablement réduit la production de lait et de viande et rendu plus difficile l’installation des jeunes éleveurs dans une France où la moyenne d’âge des chefs d’exploitation dépasse désormais les 50 ans.
Souveraineté alimentaire : passons de la parole aux actes
Depuis l’élection présidentielle de 2022, la fonction officielle du Ministre de l’Agriculture est devenue « Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ». Cette suggestion fut faite au président Macron par Christiane Lambert au moment où elle allait quitter la présidence de la FNSEA. En théorie, la loi Egalim promise par le Président Macron lors d’un discours prononcé à Rungis le 11 octobre 2017, devait contribuer à renforcer cette souveraineté. Car le chef de l’Etat déclarait ce jour-là : « nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir de coûts de production ». Puis il ajoutait un obstacle infranchissable en déclarant dans le paragraphe suivant de son discours: « Mais cette approche ne saurait suffire parce qu’elle ne sera efficace que si les agriculteurs se regroupent véritablement en organisateurs de producteurs pour peser dans les négociations en tirant profit des possibilités du droit de la concurrence ».
Le vote de trois versions successives de la loi Egalim depuis 2018 n’a pas permis de passer de la parole aux actes. Les producteurs de denrées périssables que sont les paysans n’ont pas les moyens de tirer profit de possibilités du droit de la concurrence. Pour une bonne part, cela provient de la stratégie de Carrefour, Leclerc et des autres enseignes qui ont transféré hors de France leurs centrales d’achat dans le but de faire croître les importations. Cela fait reculer la demande des distributeurs auprès des entreprises agroalimentaires établies en France, afin de leur imposer des baisses de prix d’entrée dans les rayons des grandes surfaces lors des négociations annuelles sur les volumes et les prix d’entrée en magasin entre novembre et février.
Mais cette stratégie commune aux grandes enseignes fait décroître chaque année la souveraineté alimentaire de la France dans presque toutes les filières de production. Désormais, seules les filières des céréales et celle des vins et spiritueux dégagent encore un excédant annuel. Mais les prix des céréales sont anormalement bas depuis près de deux ans au départ de la ferme et nos exportations de vins et spiritueux sont perturbées par la politique douanière de Donald Trump.
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