Emmanuel Macron lance l’opération séduction du premier ministre indien Narendra Modi
L’amour rend aveugle, dit-on. Le président de la République doit être ébloui par l’« intimité particulière » qui lie la France et l’Inde. Depuis quelques années, Narendra Modi et Emmanuel Macron ne se lâchent plus. L’un sourit à belles dents sur les Champs-Élysées, où il est invité pour le défilé du 14 Juillet 2023, avant qu’on lui remette la Légion d’honneur.
L’autre est ravi de fêter les 75 ans de la Constitution indienne en janvier 2024, cinq jours après la construction d’un temple hindouiste sur les ruines d’une mosquée. Les deux hommes poursuivaient leur idylle cette semaine, à Paris d’abord, où se tenait le sommet franco-indien dédié à l’intelligence artificielle (IA), puis à Marseille, « ville de cœur » du dirigeant français.
Faire la cour à l’Inde
Celui-ci n’a cessé de mettre en avant ses idées d’une « troisième voie » française et de sa « stratégie indopacifique » plus géopolitiques que concrètes : « Nous voulons travailler avec les États-Unis d’Amérique, avec la Chine, mais on ne veut dépendre de personne. » La France a donc choisi de faire la cour à l’Inde, qui a bien des atouts, sa démographie, son marché et sa croissance notamment.
Dans la cité phocéenne, où l’attendait un petit groupe d’Indiens tout de safran vêtu, Narendra Modi a inauguré le consulat général d’Inde, participé à un forum d’affaires bilatéral ou encore visité le réacteur expérimental de fusion nucléaire Iter, un projet colossal qui réunit 35 pays. Les deux dirigeants ont surtout rendu visite à Rodolphe Saadé, PDG du groupe de fret maritime CMA CGM.
L’armateur devrait jouer un rôle central dans l’Imec, le corridor Inde-Moyen-Orient-Europe. Ce dernier doit partir du Gujarat, région d’origine de Modi, vers les Émirats, puis emprunter un tronçon ferroviaire en Arabie saoudite, en Jordanie et en Israël, pour repartir vers l’Europe par la mer. Une manière de concurrencer les nouvelles « routes de la soie chinoises », selon Emmanuel Macron, qui espère bien attirer les investissements indiens.
Une stratégie questionnable
Quitte à oublier, sinon cautionner, l’idéologie suprémaciste hindoue et nationaliste de Narendra Modi. « Les intérêts commerciaux ne doivent pas se faire au détriment des valeurs démocratiques », dénoncent dans un communiqué une dizaine d’associations progressistes de la diaspora indienne, en France notamment. « Les médias indépendants sont réduits au silence, la dissidence est criminalisée et les minorités religieuses et socio-économiques sont persécutées », rappellent-elles, sans oublier l’utilisation de l’IA par le premier ministre d’extrême droite pour « la surveillance de masse ».
Face au discours sur la troisième voie française, les associations rétorquent en pointant le « double standard » de l’administration Macron, prolixe quand il s’agit d’évoquer l’égalité et les droits humains après le sommet de Paris, « silencieuse sur le virage autoritaire de l’Inde ».
On peut enfin se poser des questions sur la stratégie française. Si ce tropisme indien a le mérite de vouloir accompagner la désoccidentalisation de l’ordre mondial, l’Inde n’est pas la locomotive du Sud global. Et le multilatéralisme prôné par Narendra Modi n’est pas tout à fait neutre.
Ce mercredi, le nationaliste décollait de Marseille pour Washington, devenant le troisième dirigeant à rencontrer Donald Trump après les premiers ministres israéliens, Benyamin Netanyahou, et japonais, Shigeru Ishiba.
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