Du « Mémo Powell » à la création de Fox News, la radicalisation du parti Républicain en 5 dates
Comment un parti conservateur bon teint s’est transformé en mouvement populiste d’extrême droite. Récit en cinq étapes.
1971 : le Mémo Powell, feuille de route de la révolution conservatrice
Il faut sans doute un mythe fondateur à tout récit. Celui de la droitisation sans fin du Grand Old Party (GOP) commence par un mémo confidentiel. La chambre de commerce, le lobby patronal, charge Lewis Powell, avocat spécialisé en droit des affaires (notamment en faveur de l’industrie du tabac), d’en assurer la rédaction.
Son diagnostic : avec le New Deal rooseveltien encore étoffé sous la présidence de Lyndon Johnson et les mouvements de contestation des années 1960 (droits civiques, féminisme, pacifisme), le « système américain de libre entreprise » est attaqué de toutes parts. Celui que Richard Nixon nommera à la Cour suprême l’année suivante préconise que le mouvement conservateur mène une contre-attaque tous azimuts.
Un « appel aux armes néolibéral », selon l’historien Gary Gerstle, qui sera relayé par des think tanks (Heritage Foundation, Cato Institute, Manhattan Institute) créés dans la foulée et surtout par le Parti républicain, devenu le creuset de tous les mouvements réactionnaires.
1976 : la « welfare queen », symbole du virage raciste
Dès le début des années 1970, le parti de Lincoln a mis en œuvre sa stratégie sudiste. Il décide de ne pas s’opposer aux lois sur les droits civiques – le sens de l’histoire – mais d’exploiter le racisme des Blancs du Sud, traditionnellement démocrates, afin de les attirer à lui. Il faut donc flatter leurs pires instincts.
Un candidat à la primaire républicaine en 1976 s’y adonne. Il rythme sa campagne avec l’anecdote récurrente d’une « welfare queen », une « reine des aides sociales », qui multiplie les identités et les fraudes, achète des Cadillac à foison, et vit mieux que le pauvre travailleur dur à la peine.
Jamais il n’évoque la couleur de peau de cette arnaqueuse au demeurant fictive (les journalistes n’ont jamais trouvé trace d’un tel cas), mais le public qu’il cible en a déduit, comme une évidence, qu’elle était noire. L’homme perdra la primaire face au président en exercice Gerald Ford, mais trouvera quatre ans plus tard le chemin de la Maison-Blanche. Il s’agissait de Ronald Reagan.
1981 : Reagan et la mort de l’impôt progressif
« Le gouvernement n’est pas la solution. Il est le problème. » Élu en 1980, l’ancien gouverneur de Californie lance la « révolution conservatrice », dont la théorie du ruissellement constitue l’un des piliers. Dès sa prise de fonction, il fait voter une première loi qui ramène le taux de l’impôt sur le revenu de 70 à 50 %.
Cinq ans plus tard, une seconde loi l’abaisse à 28 %. Élu en 2000, George W. Bush fait adopter une nouvelle loi de réduction d’impôts. Donald Trump fera de même, dès son accession au pouvoir. Le pays, pionnier de l’impôt progressif, mis en place dès 1913, et dont le taux maximal a été porté à 93 % pendant le New Deal de Roosevelt, est entré dans l’ère de l’impôt régressif, où un milliardaire paie proportionnellement moins que sa secrétaire, comme l’indiquait le richissime Warren Buffett. Cela a conduit à l’explosion des inégalités sociales qui ont retrouvé leur niveau des années 1920.
1992 : Buchanan, ou le retour du nativisme
Auréolé, si l’on peut dire, de sa victoire dans la guerre du Golfe, George Bush pensait son autorité incontestable au sein du GOP. Pourtant, lors de la primaire, un commentateur conservateur le défie. Pat Buchanan mène toute sa campagne sur le rejet de l’immigration latino, dans un accès de fièvre nativiste récurrent aux États-Unis. Il perdra la primaire mais gagnera la bataille des idées.
Quatre ans plus tard, Samuel Huntington, dans son livre le Choc des civilisations, développe cette thèse de l’ennemi intérieur latino qui menace le caractère blanc et protestant de l’Amérique. En axant sa déclaration de candidature sur les migrants accusés de tous les maux, Donald Trump s’inscrit dans cette lignée. Sa victoire contribuera à amener au centre de la coalition républicaine le mouvement marginal initié par Buchanan.
1996 : Création de Fox News, TV Trump avant l’heure
Deux ans après le raz de marée qui a fait basculer le Congrès pour la première fois depuis quarante ans chez les républicains, Rupert Murdoch, le magnat australien des médias, lance une chaîne qu’il veut ouvertement conservatrice. Il en confie les rênes à un ancien stratège politique républicain, Roger Ailes.
Peu de monde croit réellement en la pérennité de cette « niche ». Mais Ailes a compris, avant d’autres, que le pays était entré dans une phase de polarisation. Fox News va à la fois surfer sur ce phénomène et l’accélérer en flattant et galvanisant une frange de l’électorat républicain qui se radicalise encore plus après l’élection de Barack Obama, dans un mélange de complotisme, de racisme, de nativisme, et d’antiféminisme.
Fox News, c’est TV Trump avant l’heure. Lors de son entrée dans l’arène politique, le milliardaire investit à fond le porte-voix que représente cette chaîne en forme de bulle qui devient le seul et unique moyen d’informations de la base « Maga » (Make America Great Again).
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