Guerre à Gaza : ce que l'on sait de la nouvelle offensive israélienne à Deir al-Balah, une zone "où elle n'était jamais intervenue"

L'armée israélienne avait annoncé dimanche qu'elle allait étendre ses opérations dans le centre de la bande de Gaza, notamment "dans une zone où elle n'était jamais intervenue auparavant" en 21 mois de conflit, affirmait-elle. Cette offensive terrestre, accompagnée de bombardements, est en cours pour le deuxième jour consécutif, mardi 22 juillet, autour de Deir al-Balah, une ville précédemment relativement épargnée.

Entre 50 000 à 80 000 personnes vivaient dans le secteur, selon le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), avant l'appel israélien à évacuer et la fuite de nombreux civils. Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait de cette nouvelle phase de la guerre.

La zone visée par l'armée israélienne continue de s'étendre

Dimanche, Israël a exhorté les civils de Deir al-Balah à se déplacer "vers le sud et vers l'ouest, sur la côte". Très vite, des familles se sont mises en route sans savoir où aller, leurs affaires à la main ou disposées sur des charrettes tractées par des ânes, ont raconté des correspondants de l'AFP sur place. L'objectif affiché de l'opération pour l'armée israélienne : "détruire les capacités et l'infrastructure terroristes".

En pénétrant dans Deir al-Balah, dernière grande ville de la bande de Gaza qui n'avait pas été l'objet d'une offensive de grande envergure, Israël entame une nouvelle stratégie. Jusqu'à présent, la zone avait été laissée de côté en raison de la probable présence d'otages israéliens détenus par le Hamas depuis l'attaque du 7 octobre 2023, qui auraient pu être des cibles collatérales. Désormais, selon l'ONU, 88% de la surface de Gaza est soumis à un ordre d'évacuation ou inclus dans une zone militarisée israélienne. Ce qui réduit fortement les zones à l'écart des combats pour la population civile gazaouie.

Un bilan provisoire fait état de deux morts

L'opération, amorcée lundi, s'est poursuivie mardi au sud-ouest de la ville, avec des attaques intensives et des frappes aériennes. "Nous avons reçu des appels de familles assiégées dans la zone de Baraka, à Deir al-Balah, à cause des tirs de chars israéliens", a déclaré à l'AFP Mahmoud Bassal, le porte-parole de la défense civile de Gaza, les secouristes de l'enclave. "Il y a plusieurs blessés, mais personne ne peut accéder à la zone pour les évacuer." Selon un premier bilan, communiqué mardi matin, deux personnes ont été tuées à Deir al-Balah.

"Ces frappes aériennes et opérations terrestres israéliennes entraîneront inévitablement de nouvelles pertes civiles et la destruction d'infrastructures civiles", s'est inquiété Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme. "Des maisons ont déjà été détruites et des milliers de personnes ont été contraintes de fuir à nouveau la zone" a-t-il alerté, craignant des "violations graves du droit international humanitaire".

"La zone visée abrite également plusieurs organisations humanitaires, y compris des cliniques, d'autres installations médicales, des abris, une cuisine communautaire, des centres d'accueil, des entrepôts et d'autres infrastructures essentielles", a averti ce responsable de l'ONU. Après l'offensive israélienne à Rafah, les organisations humanitaires avaient en effet décidé de déplacer leurs infrastructures à Deir al-Balah, plus à l'écart des combats.

L'Organisation mondiale de la santé dit avoir été visée

Un important entrepôt de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), situé dans la zone visée par l'ordre d'évacuation israélien, a été détruit lundi lors d'une attaque ayant provoqué des explosions et un incendie, selon le patron de l'agence onusienne. Tedros Adhanom Ghebreyesus a ajouté sur X que des soldats israéliens avaient pénétré à trois reprises dans une résidence du personnel de l'organisation, "forçant femmes et enfants à évacuer à pied (...), en plein conflit". Les hommes présents, employés de l'OMS ou membres des familles d'employés, "ont été menottés, déshabillés, interrogés sur place et contrôlés sous la menace d'une arme", a-t-il écrit, ajoutant que quatre personnes avaient été placées en détention. Lundi soir, un de ces hommes restait détenu, les trois autres ayant été relâchés.

"L'entrepôt principal étant hors service et la majorité des fournitures médicales à Gaza étant épuisées, l'OMS est fortement limitée dans sa capacité à soutenir les hôpitaux, les équipes médicales d'urgence et les partenaires de santé", déplore également le communiqué du directeur général de l'organisation, qui rappelle la pénurie de médicaments en cours dans l'enclave palestinienne.

Des familles d'otages israéliens expriment leur inquiétude

La stratégie de cette offensive est contestée jusqu'au sein de la société d'Israël. En cause, la présence potentielle à Deir al-Balah d'otages israéliens. Les familles de ces derniers se sont déclarées "choquées" par cette opération. "Pourquoi ils agissent ainsi maintenant, alors qu'un accord est censé être sur la table ?", s'est interrogée la mère de l'otage Elkana Bohbot lors d'une manifestation lundi. Des négociations pour un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas et la libération de 10 otages sont en effet en cours depuis début juillet, mais semblent dans une impasse. Le Forum des otages et des familles disparues a affirmé dans un communiqué que "le peuple d'Israël ne pardonnera à personne d'avoir sciemment mis en danger les otages, vivants comme morts".

"Il y a une zone entière que l'armée israélienne a désignée comme 'zone à ne pas toucher' parce que des otages y sont retenus. On ne peut gagner une guerre de cette façon" , a argumenté une ministre d'extrême droite du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, Orit Strock, dans une interview à la radio Kol BaRama, citée par le journal Haaretz . Selon ce quotidien classé à gauche, l'armée ne confirme pas que des otages sont présents dans la zone visée et dit agir pour faire pression sur le Hamas, et le pousser à accepter un accord de cessez-le-feu selon les termes voulus par Israël. Le média, cité par Courrier international, ajoute que l'opération vise aussi à "établir un couloir qui traversera la ville, (...) empêchant la libre circulation entre les camps de réfugiés du centre de Gaza".