Femme amputée des quatre membres après une IVG : prison avec sursis requis contre deux médecins du CHU de Bordeaux

«Ce procès ne réparera jamais tout ce que j’ai pu subir.» Priscilla Dray a été amputée des quatre membres après une infection nosocomiale, qui n’a pas été traitée à temps, à la suite d’une interruption volontaire de grossesse (IVG). Son procès contre le CHU de Bordeaux, mis en cause pour sa négligence dans la prise en charge post-opération, s’est achevé hier au tribunal correctionnel de la ville. Une peine d’emprisonnement avec sursis, une interdiction temporaire d’exercer et plusieurs milliers d’euros d’amende ont été requis par le Parquet à l’encontre des deux médecins mis en cause par la plaignante. Le tribunal correctionnel de Bordeaux a mis sa décision en délibéré au lundi 14 avril.

Le samedi 23 juillet 2011, au lendemain de son opération, Priscilla Dray a plus de 39 de fièvre et appelle alors les urgences. Elle est prise en charge par une interne au CHU de Bordeaux qui a un doute sur un syndrome infectieux. «Mon beau-frère qui est médecin m’a dit de demander des antibiotiques», explique Priscilla Dray. Alors que l’infection est envisagée par l’interne, le Dr. D., médecin, n’intervient pas et estime qu’il ne faut pas lui prescrire d’antibiotiques, ni la garder en observation. Le dimanche, la jeune femme est toujours fiévreuse et retourne aux urgences. Elle voit son état se dégrader tout au long de l’après-midi. Elle est seulement placée sur un brancard à l’hôpital. «J’avais une lettre d’une médecin qui demandait que je sois hospitalisé. Je ne pouvais plus m’asseoir, j’étais mourante. On a estimé que je faisais du caprice et on m’a répondu : Vous croyez qu’on hospitalise les gens comme ça ? Ce n’est pas les généralistes qui font la loi», confie-t-elle au Figaro.

Priscilla Dray sera finalement reçue par un anesthésiste en fin de journée, après avoir passé plusieurs heures sur un brancard, dans un état critique. Elle sera ensuite placée dans un coma artificiel pendant la nuit, et restera entre la vie et la mort pendant deux jours. Elle survivra mais à condition d’être amputée des quatre membres. «Ma cliente a été totalement prise de haut. On l’a prise pour une bourgeoise qui ne faisait que de se plaindre et qui ne supportait pas son IVG. Tous les signaux ont été donnés», selon Maître Aurélie Coviaux, son avocate.

«Cas rarissime»

Contacté par Le Figaro, Maître Budet, qui représente le CHU de Bordeaux, ne souhaite pas de commentaire sur cette affaire. «Les experts, ne mettent pas en évidence un choc septique, ni même un signe infectieux. Il était difficile de déceler des signes d’un choc septique, car très rarissime», affirme Maître Dupin, l’avocat du premier docteur. « Mon client a considéré que ce n’était pas une urgence majeure mais qu’il y avait tout de même une infection bactériologique pour laquelle l’anesthésiste était le mieux placé pour prendre les mesures adéquates », abonde Maître Benaiem, avocat du second médecin.

Le parquet a finalement requis un an de prison avec sursis, 10.000 euros d’amende et une interdiction temporaire d’exercer à l’encontre du docteur D. qui était chef de clinique le samedi 23 juillet. La peine la plus lourde est requise contre le docteur V., chef des urgences de la maternité Pellegrin le dimanche, lors de la deuxième prise en charge de Priscilla Dray. Le procureur a demandé une peine de 16 mois d’emprisonnement avec sursis contre lui. Le parquet requiert également 50.000 euros d’amende dont 30.000 euros fermes à l’encontre du CHU de Bordeaux. «La peine requise me semble juste et à la hauteur des évènements. Évidemment, ce ne sera jamais assez pour ma cliente après ce qu’elle a traversé. Ça a démontré à ma cliente que sa plainte était entendue et justifié» indique Maitre Aurélie Coviaux, avocate de la partie civile. «Je ne suis pas satisfaite. Je veux que ces médecins n’exercent plus», regrette-t-elle.