EN DIRECT - Procès de Cédric Jubillar: «Monsieur Jubillar, vous n’avez pas été à la hauteur des attentes de vos enfants», fustige l’une des avocates de Louis et Elyah

L’audience est suspendue

L’audience est suspendue, elle reprendra à 14 heures.

«Rendez-leur Delphine, rendez-leur Delphine !» clame Me Laurent Boguet

Au fil de l’enquête comme durant le procès, «Cédric Jubillar s’oppose au cours de la justice. Ce n’est pas l’œuvre de quelqu’un de dévasté», remarque l’avocat. «Il n’est pas meilleur que Jonathann Daval, ça va lui faire de la peine.»

«On a tout vérifié, les échappés d’asiles, les patients de la clinique où Delphine Jubillar travaillait, tous ceux qui ont fréquenté le réseau... Toute la trame du récit, ça donne de la chair à un squelette, celui du féminicide», insiste le pénaliste toulousain, ajoutant : «Je n’accorde aucun crédit à ce que vous dites, monsieur Jubillar. Vous êtes un menteur.» On compare souvent l’affaire Jubillar à l’affaire Viguier, «mais l’éminent professeur de droit ne s’est jamais vanté d’avoir fait disparaître son épouse».

«Il n’a pas seulement tué Delphine, il a effacé Delphine. Il en a dissimulé le corps pour l’effacer. Personne ne la retrouvera jamais. Certaines trahisons se paient au-delà du dernier souffle. Il n’y aura pas un endroit pour se recueillir, pas un endroit pour vous rappeler ce que vous avez été.»

En conclusion, Me Laurent Boguet se tourne vers le box des accusés, puis réclame, d’une voix grave : «Rendez-leur Delphine, rendez-leur Delphine !»

«On n’étrangle pas pour tuer, on étrangle pour faire taire», avance Me Boguet

Pour Laurent Boguet, l’élément déclencheur aurait été la visio entre Delphine Jubillar et son amant, lors de laquelle Donat-Jean M. a échangé avec le fils de l’accusé. Louis racontera ensuite avoir discuté avec «le copain de maman». Puis il y a une «montée en pression». La géolocalisation, les vérifications des comptes bancaires, la tentative de recherche d’un détective privé... «On rend le crime possible.»

Juste avant la disparition, «le voile du rideau se déchire, après plusieurs mois de clandestinité, Delphine Jubillar et Cathy Maillot (l’ex-compagne de Donat-Jean M., NDLR) entrent en contact, discutent, échangent et conviennent d’une trêve, d’une sorte de Women’s Agreement».

Ce 15 décembre 2020, une dispute a éclaté, une dispute dont a été témoin Louis, parce que, selon l’avocat, Delphine Jubillar aurait fait part à son mari de son envie de partir. «Lui, il pète les plombs ! “Tais-toi !” On n’étrangle pas pour tuer, on étrangle pour faire taire. “Tais-toi !”» Un silence plombant gagne soudain la cour d’assises.

«La réalité sort de la bouche des enfants. Même quand ils ne la connaissent pas, c’est par les questions qu’ils posent qu’ils l’obtiennent.»

Les justifications de Cédric Jubillar sont «un foutage de gueule permanent», s’emporte l’avocat

Les justifications de Cédric Jubillar sont «un foutage de gueule permanent». «C’est lui qui fixe la mélodie. Il fait le récit de base en appelant les gendarmes», remarque Me Boguet. «Le discours de Cédric est parfaitement huilé. Il dit avoir été réveillé par les cris d’Elyah, qui ne va pas lui porter contradiction.»

«Une femme disparaît tous les trois jours sous les coups de son compagnon. Et dans 80% des cas, cela survient après l’annonce de la séparation», note le pénaliste. «Et s’il y a bien une catégorie de meurtre où l’intéressé annonce par anticipation ce qu’il va faire, c’est le féminicide.» Avant la disparition de son épouse, Cédric Jubillar s’est emporté auprès d’au moins trois personnes en menaçant de tuer son épouse. Auprès de sa mère, Nadine Fabre, il a été plus loin dans les menaces, assenant : «Je l’enterrai dans un endroit où on ne la retrouvera jamais.» «Il y a une charge symbolique dans cette phrase», analyse Me Boguet.

La veille du 15 décembre 2020 est «la chronique d’un drame annoncé», analyse Me Boguet

«Nous allons cheminer sur un dossier dans lequel on nous dit que sans corps, ni aveux, on ne peut pas condamner. C’est faux. Et vous allez le dire, dans votre décision», plaide Me Laurent Boguet, estimant que l’enquête a démontré une réalité : «Nous sommes dans un dossier de féminicide.» Pour l’avocat, «c’est le procès de la liberté arrêtée, du rêve brisé pour Delphine». 

Il évoque le délitement du couple, les crises de colère de Cédric Jubillar, la surveillance de Delphine et l’existence de l’amant. «On s’aperçoit qu’il y a une véritable tension qui s’est créée.» La veille du 15 décembre 2020 est «la chronique d’un drame annoncé».

«Je porte la voix de Delphine qui s’est tue parce que Cédric Jubillar a exigé le silence», tonne Me Laurent Boguet

«Je porte la voix de Delphine qui s’est tue parce que Cédric Jubillar a exigé le silence, parce que ses mots étaient insupportables et qu’il fallait qu’elle se taise», estime Me Laurent.

Mais aussi «les voix tremblantes des enfants. Des voix d’enfants qui ne comprennent pas pourquoi leur maman ne revient pas, la cherchent dans les photos, dans l’odeur de certains vêtements. Des voix qui par leur vérité simple vont répondre à l’injustice et aux mensonges. Ces voix-là ne tremblent pas, elles appellent. Elles ne jugent pas, elles réclament. Elles ne crient pas vengeance, elles demandent justice.»

L’audience est reprise

L’audience vient de reprendre, c’est désormais à Me Laurent Boguet de plaider. «Lorsque ma voix se sera tue, l’ensemble des avocats de partie civile auront exprimé leur conviction», souligne aux jurés le pénaliste toulousain. «Nous avons essayé de vous transporter dans ce qui est la réalité du dossier, non pas sans boursouflage médiatique mais parce que vous êtes les juges d’une vie.»

«Monsieur Jubillar, vous n’avez pas été à la hauteur des attentes de vos enfants», fustige en conclusion Me Chamni

«Ce procès s’achève et Louis et Elyah n’ont pas eu leur réponse à leurs questions», déplore Me Chmani. «Monsieur Jubillar, vous n’avez pas été à la hauteur des attentes de vos enfants. Ils méritaient mieux que ça. Vous n’avez pas été à la hauteur de leur insouciance. Ils vous ont tendu la main à plusieurs reprises... C’est comme ça, ils vont faire avec.»

«Il n’y a pas eu de Noël 2020, il n’y en aura aucun autre. Ils seront condamnés à vivre avec l’absence de leur mère. Elle ne sera pas là pour toutes les étapes importantes de leur vie. Il ne leur reste que des photos, des souvenirs qui s’estompent. Vous n’avez pas de baguette magique, mais Delphine ne reviendra pas. Il est temps d’avancer, ils n’ont pas eu la vérité de la bouche de leur père, je viens chercher une vérité judiciaire. Justice et vérité pour Louis et Elyah

Me Malika Chmani achève avec ces mots sa plaidoirie, saisissant la salle d’émotion. À l’exception du principal intéressé, Cédric Jubillar, restant impassible dans la cage de verre.

L’audience est suspendue jusqu’à 10h30.

«J’ai peur qu’il sorte. Je veux qu’il dise la vérité : où c’est qu’elle est cachée ?»

Si Louis n’a pas de portable, l’enfant est sans cesse poursuivi par l’affaire, dans la cour de récréation, où il a peur qu’on lui demande: «t’es pas le fils de ?» ou sur le chemin de l’école, quand le chauffeur de bus allume la radio où sont évoquées régulièrement la disparition de sa mère et les accusations qui planent sur son père. Du haut de ses onze ans, Louis a demandé une fois au chauffeur de changer de station. Le chauffeur a refusé.

Depuis l’ouverture du procès, celui qui est désormais en classe de 6e se tient régulièrement au courant des débats. Il ne pose qu’une question à ses avocats: «si papa dit la vérité, est-ce que ça s’arrête là ?»

«J’ai peur qu’il sorte. Je veux qu’il dise la vérité : où c’est qu’elle est cachée ?», a confié Louis à ses avocats. Me Chamni relit une nouvelle fois la lettre du petit Louis dévoilée lundi à la barre, puis dénonce le fait qu’elle ait été reproduite en photo dans des médias, critiquant le manque de déontologie journalistique dans l’affaire.

«J’aimerais me réveiller et savoir où elle est» demande la petite Elyah

«J’ai une baguette magique et parfois, je fais des souhaits. Je dis abracadabra pour que maman revienne. Ça permet de ne pas l’oublier. J’ai peur de l’oublier», a confié la petite Elyah à propos de sa maman.

Depuis la mise en examen de Cédric Jubillar, elle et son frère sont gardés par la sœur de Delphine Aussaguel. Un jour, l’enfant de six ans a demandé à sa tante : «C’est quoi le pire, de ne plus avoir de maman ou de ne plus avoir de sœur? Elle m’a répondu “une maman, car une maman c’est important”.» «J’aimerais me réveiller et savoir où elle est», demande la petite fille.

«Je pense que papa, il a fait du mal à maman»: les mots accablants du petit Louis

À chaque entretien avec les avocats, quand l’enfant entre dans un bureau, Louis «inspecte, touche. Il prend les soldats de plomb de maître Boguet. Il touche, il range. Il demande à dessiner. Il a besoin d’un support», poursuit-elle pour décrire son état d’hypervigilance. «Il protège sa sœur. Il n’a pas de maman, il n’a pas de papa, il s’est investi d’un rôle qu’il ne devrait pas avoir. Au fil des rencontres, il se pose, il raconte.» «Louis ne veut pas voir son père tant qu’il ne dit pas la vérité», [tandis qu’]Elyah n’évoque pas son père.»

Ces derniers mois, lors de rencontres avec Me Chmani et Me Boguet, Louis a livré ce qui semble être une intime conviction, du haut de ses 11 ans : «Je pense que papa, il a fait du mal à maman. Il était méchant avec elle. Ça a dû se passer la nuit quand je dormais. Maman, elle nous aimait. C’est impossible qu’elle parte sans nous. Je suis sûr que c’est papa, je vois personne d’autre qui aurait pu lui faire du mal.»

Et d’ajouter : «Maman, elle me manque beaucoup. J’aimerais me réveiller, savoir où elle est. Je pense à maman. Les bons moments que je me rappelle (sic), c’est quand on était sur le canapé, à se faire des câlins.»

Gifles, punitions très longues, insultes : Cédric Jubillar, un père «incontrôlable»

Louis et Elyah sont issus de «l’amour de Cédric et Delphine. Je n’ai pas de doute là-dessus. Je n’ai pas de doute non plus de l’amour que Cédric porte à ses enfants. Sans doute qu’il les aimait mal, qu’il n’avait pas les codes, mais il les aimait quand même. Delphine, ses enfants étaient tout pour elle, c’était sa priorité, elle en parlait tout le temps, organisait sa vie autour d’eux. Bien sûr qu’il y a eu des moments de bonheur», reconnaît Me Chamni.

Mais en parallèle, il y avait les violences psychologiques, les insultes infligées à Elyah, ainsi que les violences physiques infligées à Louis, qui devait «se mettre à terre comme un chien». «Cédric Jubillar pense qu’un enfant doit avoir peur de son père», note l’avocate. «Oui, il n’y a pas eu de signalement, ça ne veut pas dire que ça n’a pas existé.»

«Les violences, c’est quoi ? Ce sont des gifles, des punitions très longues, les mains derrière la tête à genoux sur des Lego car ça marque mieux, des insultes : cancre, bête, connard...» Aux yeux de Me Chmani, Cédric Jubillar est un père «incontrôlable».

«Eh oui monsieur Jubillar, vous êtes célèbre, tristement célèbre» : Me Chmani démarre sa plaidoirie

L’audience vient de reprendre. C’est d’abord à Me Malika Chmani de s’approcher de la barre. Elle fait référence au nombre de résultats de Google en référence à l’affaire : 16.800 résultats pour Louis et Elyah, 9,4 millions pour Delphine Jubillar, 924.000 pour Cédric Jubillar.

«Eh oui monsieur Jubillar, vous êtes célèbre, tristement célèbre. C’est lourd, très lourd pour des enfants de 6 et 11 ans. Quel fardeau ! Je pense qu’ils s’en seraient bien passé», commence l’avocate. «Ils se seraient bien passé d’être les enfants de celui qui se dit le cocu le plus connu de France... Ce père qui n’a aucune once de culpabilité.»

Tous les directs et les comptes rendus du Figaro

Si vous souhaitez vous replonger dans une précédente journée d’audience, vous pouvez retrouver tous les directs, mais aussi l’ensemble des comptes rendus du Figaro.

Deux voix pour plaider la cause des enfants

Mes Malika Chmani et Laurent Boguet, les avocats des enfants du couple Jubillar, Louis et Elyah, vont prendre la parole ce mercredi matin après la plaidoirie, la veille, des sept autres avocats des parties civiles.

Ils vont rappeler les attentes de leurs jeunes clients, âgés de onze et six ans. «On veut que Cédric Jubillar dise la vérité, il la doit à ses enfants», mais s’il «ne la donne pas, elle sera judiciaire», avait déclaré Me Chmani avant le procès.

«À l’issue du procès, je voudrais qu’ils puissent avoir la conviction profonde que leur maman ne les a pas abandonnés, qu’il s’est passé quelque chose d’indépendant de sa volonté. Et bien sûr, qu’on puisse leur expliquer comment et pourquoi les choses se sont produites», avait de son côté déclaré Me Laurent Boguet au Figaro.

Lundi, à la toute fin des débats, la présidente des assises, Hélène Ratinaud, avait lu un courrier que Louis lui avait adressé, dans lequel il répétait son désir de pouvoir se recueillir à l’endroit où sa mère repose. «J’aimerais lui apporter une réponse à cette question, mais malheureusement, je n’en ai pas», a simplement répondu l’accusé.

Bienvenue dans ce direct

Bonjour à tous.

Le Figaro est de retour en direct sur les bancs de la cour d’assises du Tarn au procès de Cédric Jubillar, accusé du meurtre de sa femme. Nous allons vous faire vivre minute par minute cette riche 16e journée d’audience qui s’annonce.

Devant le palais de justice d’Albi, le public s’est massé avant les premières lueurs du jour pour assister aux débats.

Relisez le précédent compte rendu d’audience de notre chroniqueur judiciaire.

Les publications apparaîtront ici