Crash aérien à Washington : qu’est-ce que le TCAS, l’outil permettant d’éviter les catastrophes aériennes ?

Le crash aérien advenu mercredi soir à Washington entre un avion de ligne d’American Airlines et un hélicoptère de l’armée américaine aurait-il pu être évité ? Hier soir à 20h47 (2h47, heure française), le vol 5342 assuré par American Eagle, transportant 60 passagers et 4 membres d’équipage, est entré en collision avec un Sikorsky H-60 Black Hawk, à bord duquel se trouvaient trois militaires, au moment de l’approche pour atterrir à l’aéroport national Ronald Reagan, qui se situe en lisière de la capitale fédérale et du fleuve Potomac.

Si aucune théorie n’a été pour l’instant avancée, les conditions météorologiques ne semblent pas être la cause de l’accident. L’aéroport Reagan avait signalé que le ciel était dégagé avec une visibilité claire jusqu’à 25 km. Les enregistrements du trafic aérien, eux, montrent que les contrôleurs avaient tenté de prévenir les pilotes de l’hélicoptère de la présence de l’avion de ligne. «PAT 2-5, avez-vous le CRJ en vue ? PAT 2-5, passez derrière le CRJ», avait ordonné le contrôleur sans avoir de réponse de l’appareil militaire, rapporte CNN. Outre ces signaux, les pilotes des deux appareils ont-ils reçu des alertes du TCAS (Traffic collision avoidance system ou «système d’alerte de trafic et d’évitement de collision»), censé éviter ces catastrophes aériennes ?

Un dispositif indépendant du contrôle aérien au sol

«Le TCAS est une famille de dispositifs embarqués qui fonctionnent indépendamment du système de contrôle du trafic aérien au sol et qui permet d’éviter les collisions (...) Tous les systèmes TCAS fournissent un certain degré d’alerte de menace de collision et un affichage du trafic»explique un document de la Federal Aviation Administration, agence gouvernementale dépendante du ministère des Transports, publié en 2011. Développé à partir de la fin des années 1950 à la suite d’une série d’accidents mortels, le programme TCAS se concrétise au début des années 1980 et connait plusieurs versions.

Le TCAS II fournit aux pilotes des avis de trafic pour les aider à détecter visuellement des aéronefs intrus, ainsi que des avis de résolution, c’est-à-dire des propositions de «manœuvres d’évitement» sur un axe vertical uniquement. Ce dispositif est obligatoire aux États-Unis (et ailleurs dans le monde) depuis 2003 pour les appareils commerciaux, «y compris pour les avions des compagnies régionales de plus de 30 sièges ou d’une masse maximale au décollage supérieure à 13.500 kilos». S’il n’est pas obligatoire pour les hélicoptères, les modèles comme celui impliqué dans le crash en sont pourvus. L’enquête dira si l’appareil l’avait activé.

Deux alertes différentes

Concrètement, les avions sont pourvus de transpondeurs qui envoient des signaux radar. «Le TCAS interroge les transpondeurs des aéronefs situés dans l’espace proche et détermine à partir des réponses reçues, la distance, le gisement et l’altitude (lorsqu’elle est transmise) des trafics voisins»explique la Direction générale de l’Aviation civile française. À partir de là, un calculateur détermine lesquels de ceux-ci représentent une menace de collision et affiche des indications appropriées à l’équipage. En revanche, précise la DGAC, «si l’intrus n’est pas équipé d’un transpondeur, ou si celui-ci est inactif, le TCAS ne peut pas générer d’alerte». Chaque TCAS peut surveiller simultanément 30 appareils maximums.

Le TCAS, qui détermine plusieurs zones autour de chaque avion en fonction de sa vitesse, réagit en fonction du temps avant un potentiel crash entre deux appareils. Il s’active avec «deux minutes d’avance lorsqu’il détecte une trajectoire convergente» entre deux aéronefs, précise BFMTV. Lorsque le TCAS perçoit un danger à proximité, il active une première alerte prévenant de la présence d’un appareil intru.

Le TCAS détermine plusieurs zones autour de chaque avion en fonction de sa vitesse et réagit en fonction du temps avant un potentiel crash entre deux appareils. Capture d’écran Wikipedia

À 40 secondes de la potentielle collusion, le TCAS émet un Traffic Advisory (TA), autrement dit «alerte de trafic». Lorsque le risque potentielle de collusion est de 25 secondes, une ultime alerte, le Resolution Advisory (conseil de résolution), s’enclenche. Cette dernière donne des instructions vocales auxquelles le pilote est obligé d’obéir. Dans le cas où les deux appareils sont dotés de TCAS, les dispositifs se connectent entre eux : l’un ordonne au pilote de l’avion A de prendre de l’altitude, l’autre au pilote de l’avion B d’en perdre.

Crashs évités, mais pas de risque zéro

En février 2024, un crash entre un Airbus A350-900 d’Ethiopian Airlines reliant Addis-Abeba à Dubaï et un Boeing 787 de la compagnie Qatar Airways reliant Doha à Entebbe (Ouganda), a été évité grâce au TCAS qui a pallié une erreur du contrôle aérien somalien.

Mais sa présence à bord des avions n’est pas synonyme de risque zéro. En 2002, un Tupolev Tu-154 de la compagnie russe Bashkirian Airlines a percuté en plein vol un Boeing 757 cargo de DHL près d’Überlingen en Allemagne. Les 69 passagers et membres d’équipage (dont 52 enfants) de l’avion de ligne russe et les deux pilotes du cargo meurent. L’investigation officielle du Bureau fédéral allemand d’enquête sur les accidents aéronautiques (BFU) conclu à la responsabilité du contrôle aérien suisse.

Moins d’une minute avant l’accident, un contrôleur avait ordonné aux pilotes russes de descendre leur appareil de 1000 pieds pour éviter le crash avec l’avion-cargo. Au moment où l’avion russe descendait, son TCAS lui ordonnait de reprendre de l’altitude. Pendant ce temps, le pilote allemand recevait de son TCAS l’ordre de descendre. Mais le pilote russe a préféré suivre les instructions de la tour du contrôleur russe. Les deux avions se sont retrouvés nez à nez et se sont rentrés dedans. Depuis, les pilotes sont obligés d’obéir systématiquement aux ordres du TCAS.