Limiter le réchauffement climatique à 1,5°C "n'est plus un objectif atteignable", s'inquiètent une soixantaine de scientifiques internationaux
Ces 61 scientifiques qui participent régulièrement aux travaux du GIEC établissent, dans leur article publié, mercredi 18 juin dans la revue "Earth System Science Data" le bilan de l’année 2024. L'an dernier, les émissions de gaz à effet de serre ont continué d'augmenter : l'activité aérienne qui a retrouvé son niveau d’avant-Covid, la déforestation en Amazonie, le phénomène météo naturel El Nino et de manière générale l'activité humaine avec la combustion de charbon, de pétrole et de gaz, entre autres, ont contribué encore et toujours à réchauffer la planète. Si bien que l'objectif de limiter la hausse des températures à 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle (1850-1900), un objectif que le monde s’était fixé il y a 10 ans à Paris, nous échappe.
Pour la première fois en 2024, la barre symbolique d'1,52°C a été franchie, avec 1,52°C de hausse de la température globale. Il faudra néanmoins continuer d'observer les températures sur les prochaines années pour confirmer ce dépassement.
Le budget carbone épuisé dans trois ans
S'il faut encore plusieurs années avant de confirmer avoir atteint la hausse d’1,5°C, les scientifiques ont calculé qu’avant de l’atteindre, il reste à l’humanité un "budget carbone", en quelque sorte un droit à émettre encore, de 130 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2). Ce dioxyde de carbone est émis principalement en utilisant du charbon, du pétrole, du gaz. Les scientifiques estiment que ce budget sera épuisé plus rapidement que prévu. Au rythme actuel, il sera totalement consommé dans un peu plus de trois ans. Et sur la base d'un réchauffement de 1,6 °C ou 1,7 °C, notre budget carbone pourrait être dépassé d'ici neuf ans.
"2024 n'est pas une année exceptionnelle ou surprenante en tant que telle pour les climatologues", explique le climatologue français Christophe Cassou, qui a participé à cette mise à jour des indicateurs du climat et qui est l’un des auteurs du dernier rapport du GIEC. Pas de surprise, mais la tendance reste alarmante. Si l'humanité continue d’émettre le même volume de CO2 qu'aujourd'hui, la hausse de 2 degrés sera atteinte dans seulement 25 ans.
Une baisse des émissions aux États-Unis et en Europe
Aujourd'hui, la Chine est le principal pays émetteur de gaz à effet de serre. Ses émissions croissent, mais cette croissance ralentit. En revanche, les émissions baissent aux États-Unis et en Europe. Pour autant, cela reste insuffisant. La paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, l’une des expertes du GIEC qui a participé à cette étude, explique que l’une des conséquences de ce réchauffement climatique est la montée du niveau de la mer : +23 cm en moyenne depuis 1901, avec une accélération ces 20 dernières années. Cela entraîne des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses.
En conclusion écrivent les auteurs de cette étude, et en attendant le prochain rapport du GIEC dans 4 ans, les décideurs politiques internationaux doivent se saisir de ces nouvelles informations inquiétantes sur le climat. Et ils doivent agir. Or pour Yamina Saheb, présidente du Laboratoire mondial de la sobriété et autrice du dernier rapport du GIEC, le traité de Paris n'est pas contraignant : "on pense que les émissions vont baisser par miracle, juste parce que les chefs d'État et de gouvernement ont dit qu'ils avaient l'objectif de rester en dessous des 1,5°C. Il n'y aura pas de baisse des émissions, s'il n'y a pas de changement de modèle économique."