Violences sexuelles : le nombre de mineurs mis en cause en augmentation de 77% depuis 2017
Les statistiques sont tristement connues : toutes les trois minutes, un enfant ou adolescent est victime d’inceste, d’agression sexuelle ou de viol en France. Soit 160.000 mineurs chaque année. Mais parmi les bourreaux, un tiers se révèlent être eux-mêmes des mineurs. C’est ce que met en évidence un rapport du ministère de la Justice publié mardi 10 juin, en amont d’une audition publique sur les «mineurs auteurs de violences sexuelles» menée au ministère de la Santé à partir de ce jeudi 19 juin. Parallèlement, le Conseil Constitutionnel doit se prononcer le même jour sur la constitutionnalité de la «loi Attal» sur la délinquance des mineurs.
Le constat dressé est édifiant : entre 2017 et 2024, le nombre de mineurs mis en cause pour au moins une infraction sexuelle a explosé, passant de 8.900 à 15.700, soit une augmentation de 77%. L’année dernière, plus d’un mis en cause sur quatre pour viol et près d’un sur trois pour agression sexuelle était mineur au moment des faits. Une forte croissance retrouvée dans toutes les catégories d’infraction, mais beaucoup plus marquée pour les viols (+148%) que pour les agressions sexuelles (+47%), bien que celles-ci représentent la majorité des condamnations depuis sept ans.
Sur l’ensemble des infractions sexuelles commises par des mineurs, 98% l’ont été par des garçons. Mais c’est surtout l’âge des condamnés pour ces faits qui interpelle : 60% d’entre eux ont entre 13 et 15 ans, tandis que les 16-17 ans représentent 24% et les moins de 13 ans 16%.
Effet #MeToo et «irruption du numérique»
Comment expliquer, alors, une telle recrudescence ? Contacté, le ministère de la Justice évoque une raison «assez similaire à celle qui explique l’augmentation des plaintes pour agressions sexuelles chez les majeurs». «Depuis fin 2017 et le mouvement #MeToo , il y a un contexte de libération de la parole. Les victimes signalent davantage, les institutions sont constamment encouragées à signaler, les services enquêteurs et la justice se sont améliorés. De manière générale, il y a une augmentation des faits dénoncés», constate la Chancellerie. L’hypothèse est d’autant plus crédible que l’augmentation des mises en cause des mineurs est beaucoup plus modérée concernant les infractions poursuivables (+11%) que non poursuivables (+133%). «Il est probable que beaucoup de faits signalés dans le contexte “#Me too” étaient anciens, rendant une suite judiciaire plus délicate», étaye le rapport.
De manière générale, les condamnations pour détention et diffusion d’images pédopornographiques sont en constante augmentation.
Ministère de la Justice
Mais Adrien Taquet, ancien secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles et président de l’audition publique organisée, évoque aussi «l’irruption du numérique». «Il est une réalité, qui est celle de l’explosion des auteurs de violences sexuelles dans l’univers numérique (sextorsion [du chantage à caractère sexuel, NDLR], grooming [manipulation d’enfants à des fins sexuelles], harcèlement, prostitution...) qui, par définition, n’existaient pas il y a encore quelques années», explique-t-il au Figaro. Les infractions sexuelles recouvrent plusieurs catégories juridiques : les viols, les agressions sexuelles autres que le viol, les agressions sexuelles non physiques comme l’exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel - qui peuvent passer par internet et les réseaux sociaux - mais aussi la détention et la diffusion d’images pédopornographiques. «Les condamnations pour détention et diffusion de ces images sont en constante augmentation. On est passé de 848 condamnations en 2015 à 1223 en 2023, soit une hausse de 44%», précise le ministère de la Justice, selon lequel une «amélioration de la détection» expliquerait en partie cette hausse.
Pour «prévenir le passage à l’acte ou la récidive», Adrien Taquet évoque enfin la «nécessité de s’intéresser aux auteurs, qui sont parfois victimes eux-mêmes». Le phénomène est connu depuis longtemps : en 2005, une enquête réalisée par l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) montrait déjà qu’environ 30% des adolescents auteurs de violences sexuelles avaient eux-mêmes subi des abus sexuels dans leur enfance.
Autant de pistes qui seront explorées jusqu’à vendredi 20 juin par une myriade d’acteurs associatifs, membres de la Civiise, de l’enseignement scolaire mais aussi la Direction générale de la Santé (DGS) et la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse au ministère de la Santé. Le Conseil Constitutionnel, lui, doit fixer le sort de plusieurs mesures choc, dont le renversement de l’excuse de minorité pour les mineurs de moins de 16 ans en état de récidive légale pour un crime ou un délit puni de plus de 5 ans d’emprisonnement.