L’EPR de Flamanville sera raccordé au réseau vendredi, selon EDF

Le dernier né des réacteurs nucléaires d’EDF sur le sol français accuse 12 ans de retard et un dépassement de budget de plus de 10 milliards d’euros pour atteindre 13,2 milliards.  laurencesoulez / stock.adobe.com

Le dernier né des réacteurs nucléaires français commencera à injecter de l’électricité sur le réseau ce 20 décembre, douze ans après la date prévue.

Passer la publicité

   

Chaque étape franchie par l’EPR de Flamanville est à marquer d’une pierre blanche. Celle-ci particulièrement. EDF vient d’annoncer que ce vendredi 20 décembre, la production de « Fla3 » serait injectée sur les lignes françaises. Autrement dit, le pays s’apprête à compter 57 réacteurs nucléaires capables d’envoyer de l’électricité sur le réseau. Vingt-cinq ans qu’un tel événement, dit «couplage»  n’avait pas eu lieu. Précisément, depuis le démarrage de la centrale de Civaux en 1999. Avec Flamanville 3, la puissance installée du parc nucléaire d’EDF en France est passée de 61,4 gigawatts à 63 gigawatts, confortant sa deuxième position derrière les États-Unis (96,9 GW) et devant la Chine (54,3 GW).

L’EPR normand fait la synthèse de l’histoire récente du nucléaire français. S’il est aujourd’hui le premier réacteur de la relance du nucléaire français, il a bien failli être le dernier à être construit dans l’Hexagone. Ce n’est que depuis 2022 que la France a officiellement décidé de renouer avec l’atome et de s’appuyer sur cette filière pour renforcer sa souveraineté énergétique. Les années 2010 ont au contraire été marquées par un désengagement français, européen, dopé par la catastrophe de Fukushima (au Japon en 2011). La trajectoire semblait dès lors tracée, petit à petit, les cinquante-huit réacteurs du parc français allaient s’éteindre. Le paroxysme a été atteint avec l’arrêt des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en Alsace, en 2020. Au risque d’accentuer la dépendance du pays au pétrole et au gaz, qui représentent déjà 60% de sa consommation d’énergie, contre 40% seulement pour l’électricité. En dépit d’un contexte hostile et de difficultés techniques en cascade, le chantier s’est poursuivi, cumulant, faut-il le rappeler, surcoûts et retards ? L’EPR aurait dû démarrer en 2012 – une date pour le moins optimiste, avec un début des travaux en 2007 – et coûter 3,3 milliards d’euros. La facture atteint finalement 13,2 milliards (en euros 2015 et hors intérêt intercalaires).

Des complications en série

Jusqu’au bout la bête aura été compliquée à dompter. Cette année encore, les difficultés ont continué à s’accumuler, rappelant à quel point il est difficile de maintenir un savoir-faire dans une filière aussi complexe, sans perspectives d’avenir. La première fission nucléaire, divergence, était initialement espérée « courant mars ». Il aura finalement fallu patienter jusqu’à début septembre. « Quelle émotion et quelle fierté d’assister en direct aux premiers battements du cœur de l’EPR ! Depuis juillet, les essais et contrôles préparatoires à la divergence se sont enchaînés ; les équipes se sont mobilisées pour réaliser tous les essais et activités de maintenance préalables aux opérations de divergence », expliquait alors sur LinkedIn Alain Morvan, directeur de projet Flamanville 3.

Las, dès le lendemain, le réacteur s’arrêtait automatiquement, avant d’être redémarré. Il totalise une quarantaine « d’événements significatifs pour sa sûreté ». Rien de surprenant « avec la perte d’expérience dans la mise en service d’un nouveau réacteur. Mais le nombre d’erreurs humaines est préoccupant. EDF devra s’expliquer devant le collège de l’Autorité. Le nombre d’événements et le facteur humain méritent une réflexion », expliquait au Figaro Bernard Doroszczuk, a l’occasion de la fin de son mandat de président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 13 novembre.

Ce 20 décembre marque donc une nouvelle étape, qui en appellera encore d’autres. Les jalons sont clairement posés et encadré, notamment par l’ASN. «Après son couplage, le fonctionnement du réacteur sera marqué par différents paliers de puissance, jusqu’à l’été 2025, qui solderont la phase d’essais», précise EDF. À l’issue de cette période d’essais, l’EPR fonctionnera à 100% de puissance jusqu’au premier arrêt programmé pour maintenance et rechargement du combustible, appelé Visite Complète 1 (VC1). Il aura produit 14 TWh d’électricité. Cette visite sera aussi marquée par le changement du couvercle de la cuve, une autre opération compliquée mais que les équipes d’EDF envisagent avec beaucoup de sérénité