Économie, immigration, avortement… La vision de Donald Trump pour l’Amérique
Économie
De l’avis de nombreux observateurs, la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine s’est jouée en priorité sur l’économie. Si le chômage demeure à un niveau historiquement bas aux États-Unis (autour de 4 %) et que la croissance progresse à un rythme soutenu (2,8 % de taux de croissance annuel au deuxième trimestre 2024), l’inflation constitue un sujet de préoccupation majeur pour les Américains. Au total, les prix ont grimpé de 20 % depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche en janvier 2021. Une situation provoquée par les difficultés d’approvisionnement mondiales liées à la sortie de la crise du Covid-19, mais également alimentée par les généreux plans d'aides et d'investissements qu'a fait voter le président démocrate.
Après le pic des années 2021 et 2022 (+13,5 %), l’inflation est redescendue en 2024 à un taux équivalent à celui d'avant Covid (2,4 %). Ce qui n’a pas empêché Donald Trump de tirer à boulets rouges sur Kamala Harris, affirmant qu’elle était incapable de régler le problème. Un discours qui a porté auprès des électeurs, puisque 55 % des Américains font davantage confiance à Donald Trump en matière d'économie, selon un récent sondage du New York Times et l’université américaine Siena.
À relireLes États-Unis à la recherche du Graal contre l'inflation
Le remède pourrait néanmoins s’avérer pire que le mal, car Donald Trump a une obsession en matière économique : protéger le marché américain. Pour se faire, il compte taxer massivement les produits à l'import, proposant des droits de douane de 10 % à 20 % sur tous les produits fabriqués à l'étranger et de 60 % sur ceux en provenance de la Chine. Il a même évoqué des droits de douane de 200 % sur les voitures étrangères. Problème ? Ces taxes risquent d’aggraver l’inflation et de pousser les États étrangers à imposer des mesures de réciprocité. The Economist a qualifié ce plan de "désastreux pour l'Amérique et le monde", le qualifiant de "cauchemar protectionniste".
Selon une analyse du Peterson Institute for International Economics, les droits de douane de Donald Trump coûteront plus de 2 600 dollars par an à la famille américaine ; une analyse de la National Retail Federation estime que le coût annuel par ménage sera encore plus élevé, à savoir 4 000 dollars. En outre, les États-Unis importent la plupart des denrées alimentaires qu'ils consomment, notamment 60 % des fruits frais et près de 40 % des légumes, selon le ministère de l'agriculture. Dans une lettre ouverte publiée en juin, 16 économistes lauréats du prix Nobel ont mis en garde contre "l'effet déstabilisateur" sur l'économie américaine d'un second mandat de Donald Trump, avertissant que "ses budgets fiscalement irresponsables" pourraient "raviver" l'inflation.
Les soutiens de Donald Trump affirment pour leur part que les suppressions de taxes et les mesures de dérégulation pour les entreprises prévues par le président-élu vont au contraire stimuler la croissance et les investissements et que sa promesse d'accroître la production d’énergie sera une arme efficace pour faire baisser les prix.

Immigration
Donald Trump a toujours plaidé en faveur de politiques d'immigration plus strictes, notamment la construction d'un mur au long de la frontière avec le Mexique et des déportations massives. Sur ce sujet, il a fait de l’accusation en laxisme contre l’administration Biden l’un de ses principaux arguments de campagne. Car il est vrai que le nombre d’arrivées illégales aux États-Unis a fortement augmenté durant le mandat de Joe Biden, passant de 1,9 million en 2021 à 2,9 millions en 2024, selon les statistiques du Département de la sécurité intérieure.
Pour rétablir "la loi et l'ordre", Donald Trump a promis de déporter des millions de clandestins. Il a accusé l’administration Biden d’avoir permis l’entrée de "hordes de criminels" et notamment 13 099 migrants illégaux condamnés pour meurtre, qui circuleraient, selon lui, en toute liberté aux États-Unis. Mais ce chiffre, issu du département de l’Immigration et douanes, concerne en réalité des personnes entrées sur le territoire au cours de plusieurs décennies – parfois légalement – et dont une grande partie est actuellement en prison, a depuis alerté le département de la Sécurité intérieure.
À voir aussiÉtats-Unis : bataille politique à la frontière avec le Mexique
Selon une analyse de CBS News, la proposition de Trump d'expulser des millions d'immigrants coûterait des centaines de milliards de dollars. Les déportations massives pourraient avoir une autre conséquence, inattendue, sur les prix des denrées alimentaires : le secteur agricole américain, confronté à des pénuries constantes de main-d'œuvre, repose principalement sur des travailleurs immigrés, dont la moitié environ sont sans papiers.
La politique du premier mandat de Trump, qui consistait à séparer systématiquement les enfants de leurs parents à la frontière pour dissuader les demandeurs d'asile, avait suscité de nombreuses condamnations à l’international. L'administration Trump n'ayant pas tenu de registre des familles et des enfants concernés, il a été extraordinairement difficile de les réunir, malgré la création par le président Biden d'un groupe de travail chargé de cette tâche. Ce groupe affirmait dans un rapport publié en avril qu’il s'efforçait toujours de réunir quelque 1 360 enfants avec leur famille. Donald Trump a de son côté déclaré qu'il souhaitait rétablir le programme de séparation des familles au cours de son second mandat.
Soins de santé, sécurité sociale et avortement
Donald Trump critique depuis longtemps l'Obamacare, mais il n'a pour l’heure pas présenté de plan global pour la remplacer. Lors du débat qui l'a opposé à Kamala Harris à Philadelphie en septembre, il avait promis "un nouveau système de santé", "meilleur et moins cher", sans donner plus de détails.
Le 24 juin 2022, la Cour suprême a annulé l'arrêt Roe v. Wade, qui protégeait depuis 1973 le droit à l'avortement dans tout le pays. Donald Trump avait alors qualifié cette décision controversée de "plus grande victoire pour la vie depuis une génération". Une vingtaine d'États ont depuis institué des lois strictes sur l'avortement et plusieurs d’entre eux ont introduit des restrictions sur le franchissement des frontières pour procéder à des interruptions de grossesse. Ces mesures suscitent l’inquiétude des spécialistes, car les États ayant des lois restrictives sur l'avortement ont déjà des taux de mortalité maternelle bien plus élevés que ceux où l'accès est plus facile.
À voir aussiLe Texas, fer de lance de la criminalisation de l’avortement aux États-Unis Amériques
Donald Trump a également proposé d'éliminer les impôts fédéraux sur les prestations de sécurité sociale pour les séniors, suscitant des craintes quant à la survie du modèle de financement de ce système, déjà menacé par le vieillissement de la population.
Environnement
Qualifiant le changement climatique de "canular", Donald Trump a supprimé plus de 125 mesures de protection de l'environnement au cours de ses quatre années de mandat. Lors d'un dîner à Mar-a-Lago en avril, il a promis de revenir sur les mesures de protection de l'environnement mises en place par Joe Biden et d'en bloquer de nouvelles, tout en demandant aux dirigeants du secteur pétrolier de lever un milliard de dollars pour sa campagne.
Le site web de la campagne de Trump s'engage à mettre fin aux "réglementations coûteuses et pesantes" tout en développant la production d'énergie nucléaire et en "mettant fin" au "Green New Deal".
Il s'est également engagé à quitter l'accord de Paris sur le climat de 2015, comme il l'avait fait lors de son premier mandat. Une mesure annulée par Joe Biden en 2021, dès son arrivée à la Maison blanche.