«Oui, oui et oui». Dans un post sur le réseau social X, l’eurodéputée insoumise Rima Hassan a apporté le 17 août un franc soutien à la proposition portée par l’Union Africaine, organisation intergouvernementale de 55 États membres, pour redéfinir les dimensions des cartes actuelles mondiales.
L’objectif ? «Correct the map», soit «corriger la carte» en Français. C’est le nom d’une campagne que soutient l’organisation intergouvernementale. Elle est portée par deux organisations africaines de plaidoyer, Africa no filter et Speak Up Africa, qui militent pour une redéfinition des proportions accordées aux continents sur les cartes géographiques actuelles. Il s’agit principalement, pour ces deux organisations, de redonner une taille plus juste à l’Afrique, «artificiellement» réduite de moitié, dans un objectif décolonialiste.
Passer la publicité«Corriger la carte, c’est bien plus qu’une question technique, c’est un acte symbolique fort qui touche (...) au récit que nous voulons construire autour du continent africain», avance ainsi auprès de RFI Fara Ndiaye, directrice adjointe de l’organisation Speak Up Africa, à l’origine de la campagne Correct the Map.
Mais en réalité, l’Afrique n’est pas la seule zone géographique déformée sur les planisphères actuels, et la raison est mathématique : il est dans les faits impossible de rendre compte des proportions exactes du globe terrestre sur une surface plane.
Projection de Mercator
Les proportions de l’Afrique sur la plupart des cartes mondiales actuelles s’enracinent dans la représentation graphique du monde établie par le géographe flamand Gerhard Mercator. Au XVIe siècle, les navigateurs cherchent à connaître la route à suivre à cap constant, pour se rendre d’un point du globe à l’autre : ce chemin n’est pas le plus court, mais il permet en revanche de naviguer à la boussole.
Concrètement, l’érudit flamand déforme donc les proportions des étendues terrestres afin que les parallèles et les méridiens (ces cercles qui enserrent la planète) puissent conserver leurs angles droits. Les navigateurs peuvent ainsi suivre une seule direction, et maintenir le cap sur leur boussole, sans jamais en dévier jusqu’à destination.
Cette nouvelle projection constitue une véritable révolution pour l’industrie maritime, puisqu’elle permet de reporter directement sur la carte les angles mesurés au compas, et vice-versa. Elle ne conserve en revanche pas les distances, ni les surfaces. Mais en conséquence, les terres situées de l’Équateur voient leur taille s’atrophier, tandis que celles situées à la proximité des pôles deviennent colossales. Ainsi du Groenland, qui se déploie sur une étendue immense, qu’on approcherait, à vue d’œil, de la superficie de l’Afrique : pourtant, à taille réelle, 14 terres comme le Groenland pourraient tenir dans le continent noir. Idem pour l’Alaska, qui semble, dans la projection de Mercator, aussi grande que le Brésil. En réalité, le pays d’Amérique du Sud est cinq fois plus étendu. «Les cartes ne sont pas une science exacte, c’est un système de projection de la réalité. Et les mappemondes ne font pas exception à la règle», explique auprès du média en ligne Slate Olivier Clochard, chargé de recherche au CNRS et spécialiste des migrations.
Passer la publicitéRendre aux pays leur superficie réelle
La projection de Mercator a traversé les âges, jusqu’à s’afficher dans la majorité des manuels scolaires de géographie : elle reste également, encore aujourd’hui, le modèle par défaut sur l’application mobile Google Maps. Entre-temps, d’autres cartes ont fait leur apparition, à l’instar de celle de l’Écossais James Gall en 1855, ressuscitée par Arno Peters (1916-2002) un siècle plus tard, en 1973. Celle-ci entend rendre aux pays leurs superficies réelles, au détriment de leurs formes. Concrètement, les zones de taille égale sur le globe le sont également sur la carte. Sur cette mappemonde, l’Afrique est ainsi plus grande, mais elle est en revanche distordue.
D’autres encore ont plutôt choisi d’abandonner la forme rectangulaire du planisphère : ainsi de la projection Authagraph, conçue par l’architecte japonais Hajime Narukawa en 1999, qui divise la représentation de la terre en 96 triangles, transposés sur carte en tétraèdre (formes géométriques composées de 4 faces triangulaires) pour conserver la taille et la forme des continents et océans. Parmi les plus utilisées, on compte aujourd’hui la projection cylindrique de Robinson, présentée par l’Américain Robert Robinson en 1963, ou celle de Mollweide, qui privilégie la conservation des aires à la conservation des angles. Pour obtenir une vision la plus exacte possible du globe terrestre, la solution la plus simple reste finalement d’utiliser une mappemonde.