Justice : Gérald Darmanin à la Chancellerie ou la promesse de la sévérité

De la sévérité avant toute chose et cap sur le pénal. «Car c’est ce que veulent les Français». Gérald Darmanin, ministre pressé, a tranché dans le vif dès son arrivée sur le perron de l’Hôtel de Bourvallais, place Vendôme. Le nouveau garde des Sceaux qui succède au placide et socialiste Didier Migaud, ce mardi, a soudain accéléré le tempo à coup de l’anaphore «Nous sommes là pour les Français». 

Des Français qui «chérissent l’indépendance des magistrats et la sévérité», a-t-il martelé promettant tout à la fois de rendre «toute la noblesse de leurs fonctions aux magistrats, aux greffiers, aux personnels pénitentiaires, à tous les gens de justice » et de «toujours protéger les victimes mais jamais les délinquants et criminels condamnés». 

«Dans les prochains jours, j’adresserai à tous les procureurs une directive de politique pénale très ferme pour lutter contre les violences faites aux personnes, contre le séparatisme islamiques et les mouvements extrémistes, contre le narcobanditisme et le trafic de drogue», «sa «priorité absolue», car «la drogue pourrit tout», a-t-il insisté. 

Une note martiale donc, une détermination quasi guerrière appuyées par sa référence immédiate à son ancienne maison, la Place Beauvau : «Je suis là pour les Français et c’est pour cela que nous allons travailler main dans la main avec le ministère de l’Intérieur pour la sécurité et le respect des libertés de nos compatriotes», a-t-il insisté, faisant du triptyque «détermination, sévérité et fermeté», sa feuille de route. 

On peut compter sur les magistrats pour lui rappeler bien vite que, Place Vendôme, «ce n’est pas la même verticalité» - comprendre hiérarchisation - qu’au ministère de l’Intérieur, qu’au demeurant les magistrats ne sont pas les supplétifs des policiers et que la police judiciaire demeure sous l’autorité des procureurs.  

Indépendance juridictionnelle

Dans l’assistance, certains de ces derniers soulignent aussi que «les violences aux personnes et la lutte contre le trafic de stupéfiants sont déjà la priorité de tous les parquets de France. C’est ce que nous faisons tous les jours, mais tous ces délinquants il faut tout de même les mettre quelque part et les prisons sont pleines et cela suppose des moyens».

Tous souhaitent donc que «l’arrivée d’un poids lourd de la politique qui est expérimenté permette de bénéficier d’un budget donnant les moyens à la justice de poursuivre sa mue. Nous espérons que Gérald Darmanin fera aussi bien, voire mieux que Didier Migaud avant que tout ne soit balayé de par la motion de censure», commente Ludovic Friat, président de l’Union nationale des magistrats, la seule organisation syndicale des magistrats à avoir été invité par Didier Migaud à cette passation de pouvoir.

En marge de la passation de pouvoir, ce dernier insiste aussi sur la nécessité de lutter contre la criminalité organisée, sur celle «de créer des outils spécifiques comme des gardes à vues étendues, de nouvelles infractions, et l’utilisation de techniques d’enquête particulière». 

Quant au reste, c’est-à-dire les mots et les phrases prononcées à l’encontre de la justice quand Gérald Darmanin était ministre de l’intérieur puis député, Ludovic Friat rappelle que désormais, «il n’est pas dans la même position que quand il était simple parlementaire usant de sa liberté de parole ou l’hôte de la Place Beauvau où il est si souvent aisé de dire à l’égard de la justice ’ce n’est pas moi, c’est l’autre’. Cette indépendance juridictionnelle des magistrats, il devra nécessairement l’incarner».