«Des gens savaient au sein de l'Église»: François Ozon dénonce l’omerta autour de l’abbé Pierre

«Voilà un vieux grand-père indigne», déclare François Ozon à propos de l’abbé Pierre dans les colonnes de La Tribune dimanche . À l’occasion de la sortie de son nouveau film, Quand vient l'automne , le réalisateur de Grâce à Dieu s’est exprimé sur les accusations d’abus sexuels à l’encontre de l’abbé Pierre.

«Heureusement que le pape ne l'a pas sanctifié», poursuit-il. Le réalisateur de Grâce à Dieu, un film qui retrace l'affaire Preynat, l’aumônier condamné pour avoir agressé sexuellement des enfants entre 1972 et 1991, a déclaré : «Je connais bien le monde de l'Église donc je n'ai pas été surpris par ces révélations, mais je l'ai plutôt été par le silence de tous ces gens qui savaient au sein de l'Église: même le pape était au courant.»

Accusé par une vingtaine de femmes de violences sexuelles, l'abbé Pierre, mort à 94 ans en 2007, fut pendant un demi-siècle le curé des pauvres, des sans-toits et des sans-droits, ce qui lui valut le soutien et l'admiration des Français. Mais la publication d’un rapport révélé vendredi 6 juillet accable l'homme d'église, Henri Grouès de son vrai nom. Au total, 24 femmes accusent le prêtre de violences sexuelles, entre 1950 et les années 2000. Interrogé à ce sujet le 13 septembre, le pape François a affirmé : «Je ne sais pas à partir de quand le Vatican savait parce que je n'étais pas là et qu'il ne me serait jamais venu à l'idée de lancer une recherche à ce sujet.» Et d’ajouter : «Après la mort (de l'abbé Pierre), c'est sûr mais avant, je ne sais pas.»

«La complexité de l’être humain»

Pour le réalisateur, cette affaire témoigne «de la complexité de l'être humain». «Dans sa vie, l'abbé Pierre a aussi créé des choses extrêmement positives», déclare-t-il. Avant d’ajouter: «C'est cette balance entre les deux qui est très perturbante, à laquelle s'ajoute l'hypocrisie de l'Église et de ses gens de pouvoir, qui affichent un message de paix et d'amour, mais qui ne suivent pas les préceptes qu'ils inculquent aux autres.»

Le cinéaste avait déjà dénoncé cette forme d’hypocrisie dans son film Grâce à Dieu en 2019. Quelques semaines avant sa sortie, François Ozon avait dû essuyer les attaques des avocats du père Preynat, qui ne souhaitaient pas que le film sorte en salle avant la tenue du procès, pour ne pas porter atteinte à la présomption d’innocence. Après un pourvoi en cassation, le père Preynat avait été débouté de sa demande. Le réalisateur avait été également mis en demeure par Régine Maire, ex-membre du diocèse de Lyon d'ôter son nom du film. Une demande également rejetée par la justice. 

« L'omerta ne peut plus continuer. »

François Ozon

«Je ne juge pas, je montre les faits et c'est au spectateur de se faire sa propre opinion, expliquait au Figaro  le cinéaste. L'omerta ne peut plus continuer, on a l'impression qu'il y a encore une volonté de garder le silence sur cette affaire alors qu'elle a déjà éclaté.»

Dans son nouveau film Quand vient l'automne ,  qui sort en salle mercredi 2 octobre, François Ozon explore cette fois la vieillesse. Avec deux actrices de plus de 70 ans, Josiane Balasko et Hélène Vincent, le réalisateur livre un récit ancré dans le réel et intimiste. Alors que les deux protagonistes semblent mener une vie paisible à la campagne, l’histoire va finalement virer sur fonds de secrets de famille, de fantômes et de culpabilité.