Un pape italien pour succéder à François ? L’espoir d’un retour au berceau de l’Église
C'est une attente inassouvie depuis le bref pontificat d'Albino Luciani, dit Jean-Paul Ier, en 1978. Après avoir vu se succéder Jean-Paul II, un Polonais, Benoît XVI, un Allemand, et François, un Argentin, au Saint-Siège, l'Italie attend désespérément son pape, un Italien, pour reprendre les rênes du Vatican et opérer un retour symbolique au "berceau" de l’Église, à Rome.
"Il Papa deve essere ITALIANO" [le Pape doit être italien], lit-on sur les réseaux sociaux à la veille de l'ouverture du conclave. Les posts dans cette veine sont nombreux, arguant de la nécessité, voire la logique, d'élire un pape italien. "Le christianisme est né en Italie, le pape doit être italien, de pure lignée italique depuis au moins sept générations", estime un autre internaute, plus conservateur encore. "Assez de ces papes étrangers et non-européens. Le Pape est 'made in Italy', non aux contrefaçons".
Le 4 mai, à quelques jours du début du conclave, un sondage d'Alessandra Ghisleri, directrice de l'institut italien Euromedia Research, révélait qu'un tiers des Italiens veulent un pape italien.
Si le Collège des cardinaux compte aujourd'hui encore une bonne composante italienne – environ 15 % –, la direction dans laquelle l’Église catholique s’est orientée au cours des dernières décennies est davantage à l’internationalisation. Depuis la mort du pape François, beaucoup ont évoqué les chances des cardinaux originaires de l'Afrique et de l'Asie.
Mais plusieurs cardinaux Italiens comptent parmi les papabili, ce qui n'est pas pour déplaire aux fidèles les plus conservateurs, qui voient en ce retour à un pape italien une manière de réaffirmer l'autorité historique de Rome, de restaurer une certaine stabilité doctrinale et de recentrer l’Église sur son socle européen.
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Une présence en baisse au sein du collège cardinalice
Le tout premier pape, saint Pierre, n'était pas Italien. Juif de Galilée (région située dans le nord de l'actuel Israël), il est néanmoins mort à Rome et y fut enterré, d’où la centralité du siège romain.
Après lui, les papes ont été majoritairement italiens pendant presque toute l’histoire de l’Église, bien qu'il y ait eu quelques exceptions notables. Une italianité constante qui s’est installée durablement à partir du XVe siècle, jusqu’à ce qu’elle soit rompue en 1978 (au terme de 450 ans de papes italiens) avec l’élection du Polonais Jean-Paul II.
En raison de l'histoire, de la structure et de la présence du Vatican en Italie, les cardinaux italiens représentent traditionnellement une proportion importante des cardinaux électeurs – actuellement 17 représentants italiens, suivis de 10 cardinaux américains, 7 Brésiliens, 5 Français – mais leur proportion au sein du collège cardinalice connait une baisse notable depuis plusieurs décennies. Une tendance qui s'est accentuée sous le pontificat du pape François.
Le pape François a nommé 111 des 141 cardinaux électeurs actuels, soit près de 80 %. Cette stratégie vise à refléter la diversité de l'Église catholique mondiale, en mettant l'accent sur les régions en développement.
Malgré une baisse de la pratique religieuse, l'Italie conserve toutefois une influence significative au sein de l'Église, notamment à travers la Curie romaine (ensemble des institutions administratives du Saint-Siège et l'organe central du gouvernement de l'Église catholique), et les postes clés qu'occupent certains cardinaux italiens.
Des figures de premier plan tels que le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-Siège (numéro 2 du Vatican), et le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne, sont considérées comme des "papabili" potentiels.
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Trois favoris italiens
Trois noms italiens circulent comme autant de potentiels successeurs au pape François.
- Cardinal Pietro Parolin
Diplomate chevronné, celui qui était le plus proche collaborateur du pape François présidera le conclave de 2025. À 70 ans, il est considéré comme une figure de consensus, capable de rassembler les différentes tendances au sein de l'Église.
Son expérience dans la diplomatie vaticane et sa connaissance des affaires internationales sont des atouts majeurs, mais celui-ci a récemment été visé par des critiques concernant son manque de charisme et son implication dans des affaires controversées, comme l'accord avec la Chine sur la nomination des évêques.

- Matteo Zuppi
Âgé de 68 ans, l'archevêque de Bologne et président de la Conférence épiscopale italienne est proche de la communauté de Sant’Egidio, et engagé dans le dialogue interreligieux et les questions sociales.
Représentant une continuité avec les réformes du pape François, il est particulièrement apprécié pour son engagement pastoral. Cependant, son association étroite avec la communauté de Sant’Egidio pourrait être perçue comme un obstacle par certains électeurs, notamment dans les sphères plus conservatrices, qui considèrent que cette influence sort du cadre traditionnel du pouvoir ecclésiastique.

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Cardinal Pierbattista Pizzaballa
Reconnu pour son engagement en Terre Sainte et son approche spirituelle des conflits, le patriarche latin de Jérusalem, 59 ans, est apprécié pour sa stature spirituelle et son engagement sur le terrain.
Le journal Le Pèlerin dresse le portrait d'un homme "hors norme", "tenace", "qui a toujours su qu'il voulait être prêtre".
Mais son jeune âge et son appartenance à l’ordre des Franciscains pourraient bloquer son élection. Un cardinal issu d'un ordre religieux après un jésuite semble peu probable, estime le quotidien italien Il Tempo.

"En temps de guerre, il est plus important que jamais que l’Église italienne exprime le successeur de Pierre (expression en référence à Saint-Pierre qui désigne le pape, NDLR)", estime Giuseppe Di Leo, journaliste italien spécialiste du Vatican, dans une interview donnée au quotidien italien Il Reformista.
"Parce que la tradition diplomatique italienne est certainement supérieure à toutes les traditions diplomatiques exprimées par les autres Églises (l’Académie pontificale ecclésiastique, qui forme les nonces, diplomates du Saint-Siège, est à Rome, NDLR). Si les [cardinaux] italiens ne se divisent pas, le temps d’un pape italien est peut-être venu".