Notre critique de L’Intérêt d’Adam : un huis clos qui devrait être remboursé par la Sécu

Notre critique de L’Intérêt d’Adam : un huis clos qui devrait être remboursé par la Sécu

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L’Intérêt d’Adam, avec Anamaria Vartolomei, Jules Delsart et Léa Drucker (de gauche à droite), pourrait bien susciter des vocations Maxence Dedry/Memento

CRITIQUE - Ce premier long-métrage de Laura Wandel met une infirmière face à une mère surprotectrice mais dont l’enfant souffre de malnutrition. Un univers de frénésie qui n’occulte rien des difficultés de l’hôpital.

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À force, on va finir par comprendre pourquoi les urgences sont engorgées. Les hôpitaux sont de plus en plus envahis par les équipes de cinéma. Ça n’est pas L’Intérêt d’Adam  qui va inverser la tendance. Le film est excellent, il peut susciter des vocations - de docteurs ou de réalisateurs, au choix. Il y a un problème dans la chambre du fond. Une mère isolée refuse de quitter son fils de 4 ans qui est en carence alimentaire. Diagnostic : une fracture du bras. Il faut absolument qu’Adam reprenne du poids. Ça n’est pas gagné.

Dès que les soignantes ont le dos tourné, Rebecca (Anamaria Vartolomei) jette à la poubelle le plateau-repas du gamin. Elle semble aux abois, fébrile d’abandon, tremblante d’amour incontrôlé. L’infirmière en chef s’occupe de son cas. Elle écoute, comprend, explique. La jeune femme au bout du rouleau n’entend rien. Adam voudrait qu’elle dorme avec lui. Maman est le mot qui revient le plus souvent dans sa bouche. Les choses ne sont pas simples. Il n’y a pas que ça, dans ce service de pédiatrie.

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Un univers d’exaltation

Un homme s’offusque que son fils soit examiné par une dame. Une adolescente musulmane vient de subir un curetage. Drame. Bon, d’accord, on dira à la famille qu’elle a été opérée de l’appendicite. Cela court partout. Les couloirs se transforment en gymkhana incessant. Cela se croise, se bouscule. Les chariots jouent aux autos-tamponneuses. Léa Drucker, dans sa blouse blanche, n’a pas une minute à elle. Elle avale un morceau sur le pouce tout en téléphonant à sa fille. Pour le bien de son petit patient, elle contourne les ordres de la hiérarchie.

Caméra au poing, Laura Wandel, dont on avait apprécié Un monde qui se déroulait dans une école, filme à hauteur d’enfant, plonge avec un côté documentaire dans cet univers de frénésie, de détresse, de système D et d’efficacité. Surtout, il n’est pas question d’appeler la sécurité. Il existe d’autres moyens de raisonner la mère déboussolée, qui s’enferme à double tour avec son garçon.

Autour, l’agitation bat son plein, rythmée par le bip des moniteurs, au milieu des bruits et des râles, résultats d’analyses, perfusions à changer, sonde gastrique à retirer, cathéter à enlever. Pauvre Adam, avec son retard de croissance. Il trépigne dans son lit trop grand pour lui, trempe son plâtre sous la douche, salit son pyjama. « Je ne veux pas être mort », lâche-t-il sans mesurer ce que ses paroles ont de déchirant.

Le père débarque avec sa nouvelle compagne et son bébé. Cela n’arrange rien. Léa Drucker est aux cent coups, arborant son pauvre sourire résigné. Une sainte ? Peut-être pas. Seulement elle fait son devoir, en brave soldat de l’Assistance publique, Sisyphe blonde se heurtant à la routine, aux diktats de l’administration. Anamaria Vartolomei se cogne contre les murs, prêtant ses grands yeux bleus affolés à cet être de perdition, comme un cristal prêt à se briser au moindre frôlement. Ce huis clos est si réussi qu’il devrait être remboursé par la Sécurité sociale.

La note du Figaro : 3/4