«L’une des villes les plus ségréguées de France» : à Marseille, pauvres et riches ne se mélangent pas
Elle est pour certains l’archétype de la ville melting-pot, d’une cité caractérisée par son grand brassage de population au bord de la Méditerranée. Mais la réalité est tout autre, à en croire l’Insee. La mixité sociale à Marseille demeure un véritable mythe, selon une récente étude de l’institut français de statistiques. À la première place du classement des villes connaissant le plus fort taux de ségrégation sociale en 2004, Marseille a rétrogradé à la huitième position. Si la situation s’améliore, Marseille demeure parmi «les villes les plus ségréguées de France», comme le constate auprès du Figaro Stéphane Lhermitte, directeur régional adjoint de l’Insee en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Dans cette étude publiée en octobre dernier, menée par Alexandra Ferret et Sébastien Novella dans plusieurs grands pôles urbains de la région, l’Insee affirme que «le pôle de Marseille est marqué par de fortes disparités de revenus», avec «une forte dichotomie entre le nord et le sud». «Si les populations les plus modestes y sont les plus ségrégées spatialement, les plus aisés le sont aussi fortement». Dans le détail, les pauvres se concentrent dans les quartiers nord de la ville «et une partie du 1er arrondissement», près de la gare Saint-Charles. «C’est au sud, dans les 7e et 8e arrondissements, que se trouvent les quartiers aisés les plus fortement ségrégués (Bompard, Roucas Blanc, Périer notamment), ainsi qu’à l’est avec certains quartiers des 9e, 11e et 12e arrondissements ou encore la commune d’Allauch», estime l’Insee.
Fracture nord/sud
Aussi, la fracture entre le nord et le sud à Marseille demeure béante, année après année. «De façon générale, la diversité au niveau de la ségrégation entre les différentes villes de France dépend en partie de l’histoire du développement urbain, par exemple avec la localisation des équipements ou la construction de grands ensembles dans les années 1960», souligne Stéphane Lhermitte. À cette période, ces grands ensembles ont poussé comme des champignons à Marseille, notamment au nord de la ville. «Marseille est peut-être une ville plus inégalitaire que les autres, dans laquelle 20% des plus aisés déclarent des revenus 4,5 fois supérieurs aux 20% les plus modestes», rappelle Stéphane Lhermitte. Seuls quelques arrondissements du centre-ville se retrouvent caractérisés par une plus grande mixité sociale.
Cependant, cette ségrégation sociale est légèrement différente selon le niveau de revenus à en croire l’Insee. «À Marseille, on constate entre 2014 et 2020 une tendance à la baisse de la ségrégation des plus modestes et une tendance à la hausse concernant la ségrégation des plus aisées», remarque Stéphane Lhermitte. Dans certains secteurs aux portes des quartiers nord, comme la Joliette, cette tendance se vérifie et s’expliquerait en partie par une rénovation et un développement du quartier menés depuis plusieurs années. En revanche, chez les plus aisés, il y a selon Stéphane Lhermitte «une tendance à la hausse de l’entre-soi des plus aisés, qui n’est toutefois pas propre à la ville.»
Dans une étude publiée en 2018, Élisabeth Dorier et Julien Dario notaient la présence à Marseille de «mosaïques d’enclaves séparées», notamment dans les quartiers sud de la ville, où les résidences fermées pour habitants huppés sont légion. Ces grands ensembles avec à leur entrée des barrières sont inaccessibles et parfois même gardés par des services de sécurité en permanence. «Le processus d’enclosure se banalise», notent les deux chercheurs. «Il apparaît que les ensembles résidentiels fermés sont plus nombreux dans les iris (îlots regroupés pour l’information statistique de l’Insee, NDLR) plus aisés, en nombre et en surface», ajoutent-ils. Selon l’étude, 1531 résidences fermées avaient été identifiées à Marseille en 2014.