Les «miniamakers», ces spécialistes des vignettes YouTube devenus indispensables pour faire buzzer une vidéo

Une miniature avec des visages en gros plan, étirés et surexposés du youtubeur Squeezie et de ses invités, l’acteur Omar Sy et l’artiste DJ Snake. Le tout accompagné d’un fond pastel et d’un titre accrocheur : « Arriverez-vous à trouver l’imposteur ? » Un peu plus loin sur la page d’accueil YouTube, c’est la miniature du vidéaste Tibo InShape qui accroche l’œil : un montage photo similaire, aux couleurs saturées, le montre serrant la main d’un bodybuilder.

Si ces vignettes tape-à-l’œil ne vous disent rien, elles sont pourtant bien connues des plus jeunes qui arpentent YouTube en quête de distraction. C’est même la première chose que voient les utilisateurs en se connectant sur la plateforme américaine. Le succès de cette dernière et la professionnalisation croissante des créateurs qui l’alimentent ont transformé sa page d’accueil en un immense catalogue de contenus.

Afin de se démarquer et donner envie de cliquer sur leur vidéo plutôt que sur une autre, les youtubeurs ont donc tout intérêt à créer la miniature la plus alléchante possible. Cette tâche est bien souvent déléguée à un « miniamaker », qui, comme son nom l’indique, est un spécialiste des miniatures YouTube. « Les miniatures sont devenues l’image de marque des youtubeurs, note le miniamaker Yann Dhote. Surtout que, ces dernières années, YouTube a agrandi la taille des vignettes de sa page d’accueil. »

Faire comprendre la vidéo « en une seconde »

Mais alors, quelle est la recette pour faire percer une miniature et la vidéo qu’elle vient illustrer ? D’après la miniamaker Ornella, qui travaille pour une cinquantaine de créateurs, dont le youtubeur Dr Nozman et le streamer Domingo, « la tendance actuelle est aux miniatures de type “photo-manipulation”, c’est-à-dire un procédé qui consiste à recréer un décor ou une scène à partir de différents clichés ».

Au sein de ce petit milieu de miniamakers, le nom d’AziaTack, qui s’occupe des vignettes du youtubeur Inoxtag (7,85 millions d’abonnés), est souvent cité. « Ses miniatures sont pratiquement des chefs-d’œuvre visuels. Il travaille beaucoup la peau des youtubeurs, qu’il retouche, en essayant de faire les poses les plus réalistes possibles », relate, admiratif, le miniamaker Aaron.

Parmi les stars du milieu des « miniamaker », il y a AziaTack. Il s’occupe de créer des miniatures pour le youtubeur Inoxtag (7,5 millions d’abonnés) en s’inspirant d’un style proche de ce qui peut se faire pour des affiches de films. Le Figaro

Les codes ne sont pas les mêmes en fonction de l’audience que capte la chaîne du youtubeur. Au vu de son large succès, Inoxtag peut se permettre des miniatures artistiques. Mais, pour les chaînes plus petites, il est nécessaire que « le contenu de la vidéo soit compris en une fraction de seconde, souligne Ornella. Il y a des caractéristiques précises à respecter, comme mettre en avant les personnes connues sur la miniature et ajouter des éléments visuels qui intriguent. » Par exemple, au moment de créer les miniatures du youtubeur culinaire Gastronogeek, son confrère Nellu repère « le plat dont il parle dans la vidéo, afin d’adapter la colorimétrie de la vignette en fonction de celui-ci ».

Parmi les outils prisés de ces miniamakers, le logiciel Photoshop est un indispensable. Certains, comme Aaron, s’aident aussi de l’intelligence artificielle pour gagner du temps sur les étapes fastidieuses. « Avec le logiciel Midjourney, par exemple, je peux générer immédiatement les objets qui me viennent en tête pour animer une miniature », détaille-t-il. « L’IA me permet de retoucher des photos de mauvaise qualité pour travailler sur une base saine ou encore créer des arrière-plans plus originaux en fonction des prompts que je vais soumettre au logiciel », ajoute son confrère Skybans.

Pour les chaînes un peu moins connues, les miniamakers vont se focaliser sur un élément en particulier et mettre un titre attrayant. Aaron

Un métier en «plein essor»

L’activité des miniamakers s’est considérablement développée depuis deux ans et l’apparition de nouvelles fonctionnalités sur la plateforme. « C’est un milieu en plein essor. Il y a un mois, par exemple, YouTube a lancé un module qui permet à un créateur de tester trois miniatures en postant sa vidéo, rappelle Nellu. Elles sont équitablement distribuées par YouTube auprès des spectateurs, et il peut ainsi mesurer laquelle les a le plus incités à cliquer sur sa vidéo. Pour les miniamakers, cela fait donc de potentielles commandes supplémentaires ! »

Aaron, qui s’est lancé comme miniamaker à son compte au mois de février, fait le même constat. Le free-lance s’est constitué un carnet d’adresses qui lui permet de se dégager un smic par mois. « Dès que j’ai créé mon autoentreprise, j’ai immédiatement reçu des commandes et je n’ai pas eu une seule fois à démarcher. »

Afin de se dégager un salaire, il ne faut pas hésiter à produire énormément de miniatures. « Je produis 70 à 100 miniatures par mois », confie Skybans. La plupart partagent leur travail sur les réseaux sociaux. Des lieux essentiels pour se faire connaître et décrocher de nouvelles commandes. La miniamaker Ornella, qui vit de son activité depuis deux ans, a été repérée grâce à son compte Instagram. « J’y postais des miniatures inspirées de mes séries télé favorites avant d’en faire pour des vidéos YouTube », conclut-elle, amusée.