Procès des viols de Mazan : l'avocate Nadia El Bouroumi va comparaître devant le conseil de discipline pour "manquements à la modération et à la délicatesse"

Plus d'un an après avoir soulevé l'indignation avec ses vidéos, elle va devoir s'expliquer. L'avocate Nadia El Bouroumi comparaît, mercredi 26 novembre, à partir de 8h30, devant le conseil régional de discipline de la cour d'appel de Nîmes (Gard), pour des "manquements à la modération et à la délicatesse", a appris franceinfo auprès de l'une de ses avocates, Khadija Aoudia, confirmant une information du Parisien. Lors du procès de Dominique Pelicot, jugé pour avoir drogué sa femme Gisèle avec des médicaments avant d'orchestrer des viols sur elle, Nadia El Bouroumi défendait deux de ses coaccusés.

Quelques jours après l'ouverture de l'audience, l'avocate s'était notamment filmée dans les couloirs du palais de justice d'Avignon (Vaucluse) pour exposer ses prises de position sur le procès, avant de poster les vidéos sur Instagram. Elle avait également réalisé une vidéo d'elle en train de danser dans sa voiture sur le refrain de Wake Me Up Before You Go-Go ("Réveille-moi avant de partir" en anglais), le tube du chanteur britannique George Michael. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes s'étaient insurgées, alors que l'enquête a démontré que Gisèle Pelicot était plongée dans un état proche du coma au moment des faits.

L'avocate avait ensuite expliqué que la chanson n'avait rien à voir et qu'il s'agissait d'une réponse au "harcèlement et aux insultes" dont elle se disait victime depuis l'ouverture du procès, en tant qu'avocate d'un homme accusé de viols. Néanmoins, le bâtonnier de l'ordre des avocats d'Avignon, où elle exerce, avait lancé une procédure, en visant deux vidéos. Car il a le pouvoir, tout comme le procureur général de la cour d'appel, de prendre une décision disciplinaire à l'encontre des avocats. Tous deux peuvent prononcer des sanctions, qui vont du blâme à la radiation, si une faute a été commise.

"Un débat sur la liberté de la profession d'avocat"

Au-delà de l'indignation suscitée, ses propos avaient fait surgir des questions sur la liberté d'expression et les règles de déontologie qui s'imposent aux avocats. Elles vont à nouveau être discutées, mercredi, selon Khadija Aoudia, qui défend sa consœur au côté d'un autre avocat, Olivier Morice. "Il va y avoir un débat sur la liberté de la profession d'avocat en dehors des prétoires, pour comprendre quelles en sont les limites et si, dans ce cas, on l'a dépassée, ou pas", précise Khadija Aoudia.

De fait, dans le cadre de l'exercice des droits de la défense, la liberté de l'avocat est large : il a une forme d'immunité, reconnue à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme. Cependant, il existe des limites, dans les cas où "les propos outrepassent les principes essentiels de la profession d'avocat, à savoir les principes de loyauté, délicatesse, dignité et modération", rappelait à franceinfo Roland Rodriguez, président de la commission "règles et usage" au Conseil national des barreaux, en septembre 2024. "Jamais vous ne me ferez taire !", avait à l'époque réagi Nadia El Bouroumi, face aux indignations.

Nadia El Bouroumi n'en est pas à son premier passage devant son conseil régional de discipline. En avril, l'avocate a été condamnée à un an de suspension avec sursis pour d'autres faits antérieurs au procès des viols de Mazan. Elle a fait appel.